Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il décidé d’écouter les chasseurs et de réformer leur sport ? La plupart des commentateurs font valoir que le chef de l’Etat « cajole » cet électorat qui représente un peu plus d’un million de voix. C’est un argument. Mais on peut penser aussi qu’Emmanuel Macron a dans son proche entourage et notamment familial un certain nombre de chasseurs… Cela compte aussi. Quoi qu’il en soit une fois de plus Nicolas Hulot – adversaire historique de ce loisir – a été mis sur la touche.
Sébastien Lecornu, secrétaire d’État au ministre de la Transition écologique et solidaire, est aux manettes et devrait déposer prochainement un rapport sur le bureau du président de la République. Des mesures qui s’articuleraient autour de trois axes : une meilleure accessibilité à la chasse, une meilleure gestion des espèces et un encadrement renforcé. On sait ce que valent les rapports … beaucoup sont mis au placard et tout récemment Jean-Louis Borloo en a fait l’expérience. Le regretté doyen Vedel de la faculté de Droit, grand spécialiste des rapports, m’avait un jour confié que leur première utilité était de caler les meubles bancals.
Cela posé, la réforme de la chasse était l’une des promesses électorales du Président et jusqu’à présent celui-ci a bien appliqué sa feuille de route. Parmi les mesures phares on note l’abaissement du prix du permis national, le faisant passer de 400 à 200 euros. La grande majorité des chasseurs possède actuellement un permis départemental, qui, contrairement au permis national, ne leur permet pas de chasser sur l’ensemble du territoire. En 2015, la Fédération Nationale des Chasseurs estimait à seulement 8 % des licenciés ceux qui détenaient un permis national. Cette première réforme aurait donc pour objectif de rendre le permis national plus accessible mais aussi de séduire une nouvelle catégorie de chasseurs des amateurs plus jeunes, métropolitains et qui souhaiteraient étendre leur territoire de chasse.

Enfin une gestion rationnelle des espèces

Le gouvernement s’intéresserait dans un deuxième temps aux animaux chassés, grâce à une « gestion adaptative des espèces ». Les moratoires de chasse s’étendent actuellement sur plusieurs années, mais cela pourrait changer et les interdictions pourraient être revues, voire levées, chaque année. Une mesure qui nécessiterait un dialogue entre les différents acteurs concernés par la chasse : les ONG et les chasseurs présenteraient leurs chiffres. Les scientifiques établiraient alors un état des lieux de la situation des différentes espèces afin de voir si elles sont en danger ou si elles prolifèrent. L’idée est en fait d’une simplicité biblique. Il s’agit d’autoriser à la chasse les espèces en bonne forme et de réduire les prélèvements voire de les supprimer quand elles périclitent. Cette politique est appliquée aux États-Unis et au Canada pour le plus grand bénéfice à la fois des espèces et des chasseurs. Au Québec actuellement le quota journalier d’oies blanches est de 20 oiseaux par chasseur. Il était tombé beaucoup plus bas quand l’espèce stagnait. Mais aujourd’hui comme le troupeau d’oies explose les prélèvements suivent. C’est une politique pragmatique dictée par le bon sens. Or en Europe les mesures de protection sont idéologiques et n’ont pas grand chose à voir avec la réalité scientifique. Le troupeau d’oies bernaches cravant pète la forme. Mais la chasse reste interdite. Idem pour la chasse des oies cendrées si nombreuses qu’on les gaze aux Pays-Bas. Quant au « moratoire » (sur le courlis cendré par exemple) chacun sait que c’est une manière déguisée d’interdire car aucun oiseau n’est jamais revenu à la case gibier quelle que soit l’évolution des effectifs.
Nous avons aussi pléthore de cormorans qui pourraient parfaitement être chassés au moins pour la régulation car pour la cuisine l’oiseau noir ne laisse pas d’impérissables souvenirs … Si ces mesures deviennent effectives Emmanuel Macron briserait enfin le tabou de l’idéologie.

Pragmatisme

Enfin, la chasse pourrait être encadrée de manière unique, par la création d’une « police rurale et environnementale ». Cette dernière remplacerait les différents corps des forces de l’ordre qui interviennent sur les territoires de chasse. Notre confrère Le Figaro précise « qu’elle serait mobilisable par les préfets et par les maires, qu’elle vérifierait le suivi des périodes de chasse et sanctionnerait les atteintes à l’environnement ».
On voit ainsi que le projet du chef de l’État s’inscrit dans une politique générale de réformes pragmatiques. Les chasseurs réclamant cette réforme depuis des années ils ne devraient pas s’en plaindre. Reste évidemment à concrétiser ce qui, pour l’instant, est encore « en réflexion ».

Eric Joly