Claire Josselin n’a pas les deux pieds dans le même sabot. À 22 ans, en 2016, elle a l’opportunité de reprendre l’exploitation d’un oncle. La ferme située à Méry-la-Bataille dans l’Oise comprend 82 ha de grandes cultures, dont 10 ha de betteraves sucrières, 39 ha en blé, 10 ha de pois et de colza, 5 de lin fibre, 3 ha d’avoine et 5 ha d’herbe. Côté élevage, l’entreprise dispose d’un poulailler bio de 7 000 poules créé en 2006 par son oncle et d’une troupe de 120 brebis.

Des caissettes de viande d’agneaux

Dès le départ, la jeune agricultrice décide de développer la vente directe. « Les consommateurs veulent du local, savoir d’où viennent les produits », souligne-telle. « Quant à moi, je veux une marge qui me permette de vivre. Je préfère que la rémunération revienne à 100 % au producteur ». À peine installée, elle lance la vente de caissettes d’agneau, avec quatre périodes possibles dans l’année. À Pâques et Noël pour les périodes festives, en été pour les barbecues et en automne. Les clients commandent les caissettes de 9 kg vendues à 16 €/kg à l’avance. Gigot, épaule, côtes, collier et poitrine. Le consommateur dispose d’une palette de morceaux. « Au départ, certains hésitent à prendre 9 kg. Cela leur semble beaucoup, et finalement, ils recommandent presque tous d’autres caissettes », se réjouit l’éleveuse. Après une participation à un marché du terroir organisé par le Conseil général et la distribution de prospectus, l’affaire est lancée. Claire aménage un point de vente à la ferme dans un bungalow, dédié aux caissettes. « Nos brebis sortent d’avril à octobre. Pour les consommateurs, le critère principal est que les animaux pâturent dehors. Cela les rassure », constate-t-elle. Comme son père, Jean-Pierre Josselin, président d’Oson (Organisation de sélection génétique du Nord pour les races ovines Île-de-France et Texel), Claire est passionnée par la sélection. « Mon père participe au concours agricole des brebis lors des Salons de l’agriculture, avec pratiquement chaque année des prix à la clé. J’aime cela et j’ai envie de suivre cette voie. Je souhaite améliorer la génétique de mon troupeau ». Car la réputation des moutons des Josselin dépasse les frontières. Pas un mois sans que des acheteurs étrangers, notamment des pays de l’Est, n’achètent des brebis ou des béliers de sélection.

Des pulpes de betteraves dans la ration

« Je travaille en collaboration avec mon père. Celui-ci dispose d’une troupe de 600 brebis et d’une SAU de 135 ha », poursuit la jeune agricultrice. Les brebis sont nourries à l’herbe et avec des pulpes de betteraves fraîches ou surpressées. Pendant la campagne betteravière, l’éleveur reçoit une centaine de tonnes par semaine de pulpes fraîches en provenance de la sucrerie Saint-Louis Sucre, de Roye. Il achète aussi 200 tonnes de pulpes surpressées, ainsi que 30 t de déshydratées. Les pellets sont destinés aux agneaux, dont la capacité d’encombrement digestif est plus limitée. La ration des brebis est simple, à base d’herbe, de pulpe de betterave, d’ensilage de colza cultivé en dérobé, complétés avec de l’orge et du tourteau de colza. Une ration composée de produits locaux.

Des oeufs dans les distributeurs automatiques

Dynamique, la jeune femme développe aussi la vente d’oeufs par distributeur automatique. Elle en a installé un sur le parking poids lourds de Méry-la-Bataille, situé sur la départementale Noyon-Saint- Juste-en-Chaussée. Le maire lui a donné l’autorisation d’installer un petit chalet. À l’intérieur, des cases sont réservées à un maraîcher voisin. Depuis quelques mois, elle a aussi aménagé un distributeur automatique réfrigéré dans le centre ville de Saint-Just-en-Chaussée. Elle partage un petit local dénommé Régal’Oise avec deux autres producteurs fermiers locaux : l’un de pommes et poires et l’autre de fromages de chèvre et brebis. Pour approvisionner ces distributeurs, la productrice a créé un petit poulailler de 250 poules en système conventionnel dans un ancien bâtiment. « Quand la demande est là, je m’adapte », lance-t-elle.

Plus de 2 millions d’oeufs bio par an

Le poulailler bio, lui, est géré dans une Earl spécifique afin de distinguer la production bio de la production conventionnelle. Les oeufs sont vendus exclusivement à Cocorette. Soit plus de deux millions d’oeufs par an. Les bandes de poules sont gardées 13 mois, avant un vide sanitaire total. Le pic de ponte est à 36 semaines. Claire estime à 2 h 30 par jour le temps d’astreinte quotidienne pour l’atelier, entre le ramassage et la mise en alvéoles de 30 oeufs. Elle les palettise avant expédition deux fois par semaine. Quant aux fientes de poules, elles sont vendues à un agriculteur bio voisin. Et la jeune femme ne compte pas s’arrêter là. « J’espère développer encore la vente de viande en caissettes ainsi que celles des oeufs. Les consommateurs en redemandent », conclut-elle.

Marie-Pierre Crosnier