Alors que le chef de l’État les avait défendues, le nouveau ministre de l’environnement, François de Rugy, a, pour sa part, donné un tour de vis aux quotas.

Ces pratiques de chasses très spécialisées sont reconnues et validées tant par la Commission européenne que par la jurisprudence depuis 1989. Récemment attaquée, la chasse aux alouettes est pratiquée en Gironde et dans les Landes. Le quota autorisé jusqu’à présent représentait moins de 1 % de la mortalité annuelle de cet oiseau. 60 millions d’alouettes des champs traversent chaque année la France sur une population mondiale estimée à près de 300 millions d’oiseaux. 60 % d’entre elles mourront majoritairement par la prédation des chats domestiques, les collisions, l’artificialisation des sols et la disparition des habitats. Outre ces faits scientifiquement établis, les quotas autorisés ne sont jamais atteints car les migrations varient selon les saisons et les oiseaux ne font jamais savoir par avance sur quelles parcelles ils vont se poser. Selon la stricte réalité des comptes rendus, ce sont moins de 180 000 alouettes qui sont prélevées chaque année lors des « chasses traditionnelles »… bien loin des 370 000 autorisées !

Le prélèvement par la chasse en France s’apparente à de la mortalité dite « compensatoire » et ne met pas en péril la population.

Le véritable tueur de passereaux, celui qui peut agir en toute impunité, c’est le chat domestique. Selon une enquête de 2017 publiée par la LPO, près de 75 millions d’oiseaux, dont de nombreuses alouettes, sont croqués chaque année. Les chats grouillent partout. Il y a ceux qui vivent dans les maisons et se promènent au jardin. Et ceux qui sont en rupture de ban et vivent toute l’année dans la campagne. Ce ne sont pas de vrais chats sauvages – une espèce de félin qui vit dans les grands bois – mais des chats « ensauvagés ».

Il faut ajouter une autre cause à la raréfaction des passereaux : l’utilisation excessive des pesticides qui les prive d’insectes. Chacun peut en faire l’expérience. Roulez l’été dans la campagne : le pare-brise est désormais pratiquement vierge d’insectes alors qu’il y a trente ans il fallait s’arrêter pour le nettoyer.

Tendelles et lecques

Dans ce contexte, nos chères chasses traditionnelles n’ont aucun impact sur la population des oiseaux chassés. Outre l’alouette des champs, on chasse aussi d’une façon particulière les grives et les merles. Comment se porte cette population ? En 2004, les effectifs totaux des 5 espèces en Europe (grive draine, grive mauvis, grives musiciennes, grive litorne et merle noir), avant leur départ en migration, se situaient entre 370 et 670 millions d’individus. En 2015, cette même estimation situe les effectifs en Europe entre 436 et 732 millions d’individus. Parmi les 28 pays de l’Union européenne concernés par la Directive « oiseaux » (2009/147/CE), la chasse de ces espèces n’est autorisée que dans 10 d’entre eux.

En France, nous avons la chance d’avoir encore des passionnés des « tendelles », de la glue, de la lecque ou du poste à feu. Les grives sont prises au filet ou estourbies par la chute d’une pierre, tuées au fusil au posé ou poussées à se poser sur un bâtonnet enduit de colle. Tout cela exige des trésors d’ingéniosité et de patience. Et un savoir-faire qui se transmet de génération en génération.

On regrettera, bien sûr, la suppression de cette belle chasse traditionnelle aux ortolans qui, là encore, ne pesait guère sur les effectifs et permettait au Président Mitterrand de se régaler (alors même qu’elle était interdite).

Tenderie aux vanneaux

Il nous reste encore à dire quelques mots de la tenderie aux vanneaux. Ce mode de chasse ancestral qui est à l’heure actuelle exclusivement pratiqué dans le département des Ardennes, sur 15 sites avec installations immatriculées, et concerne deux espèces de gibier : le vanneau huppé et le pluvier doré. Il bénéficie d’une dérogation aux règles des dates d’ouverture et de fermeture de la chasse puisqu’autorisé jusqu’au dernier jour du mois de février (dans la mesure où les oiseaux sont capturés en petite quantité avec des quotas, conformément à l’article 9 de la directive 79/409 sur la conservation des oiseaux sauvages).

La tenderie aux vanneaux est traditionnellement une chasse de février. C’est une chasse de débordement des cours d’eau. Elle est donc conditionnée par la présence d’eau dans les prairies. De ce fait, les prélèvements sont aléatoires et les quotas pas toujours réalisés en raison des conditions météorologiques. Les quotas de 2 000 vanneaux et 50 pluviers dorés sont fixés conformément au seuil des 1 % admis par la jurisprudence et le guide interprétatif de la Directive « Oiseaux » comme n’ayant pas d’impact sur l’état de conservation de ces espèces migratrices. De plus, les installations de tenderies sont connues, identifiées et contrôlables par la garderie. C’est également un mode de chasse très sélectif de par la taille des mailles des filets utilisés. Sans tenderie, pas d’entretien des zones humides ni de maintien d’un certain niveau de biodiversité. Sans tenderie, les marais, qui constituent d’excellents refuges lors des haltes migratoires de l’avifaune, perdraient leur attrait. Chasses séculaires, chasses strictement contrôlées, chasses peu destructrices, chasses qui relient les générations entre elles et les soudent, les chasses traditionnelles enrichissent notre patrimoine rural.

Eric Joly