« La carte mondiale du lin semble se confondre avec celle des pays en première ligne face à l’épidémie de coronavirus et la crise économique qui l’accompagne. Teilleurs français, belges ou néerlandais et filateurs asiatiques ou européens sont pris dans la même spirale d’une activité atone et d’une consommation finale à l’arrêt », déplore Bertrand Decock, président de l’interprofession Cipalin.

Pour les 22 teillages français, la crise a débuté fin janvier, alors que le virus semblait encore lointain pour les économistes. La Chine, qui représente 85 % des débouchés à l’exportation de fibres de lin, mettait en effet ses filatures quasiment à l’arrêt.

Les usines de teillages français ont repris progressivement leur l’activité depuis le 27 avril, mais aujourd’hui elle n’est que de 30 % en moyenne et ce rythme pourrait perdurer jusqu’aux congés d’été.

Résultat : les producteurs de lin ont un an de stock devant eux ! Ce report de paille massif a pour conséquence une baisse brutale des acomptes et des recettes dès cette année. Pour la future récolte 2020, les prévisions anticipent un stockage à la ferme au-delà de l’automne 2022.

Réduire les surfaces en 2021

« Pour réduire la durée de la crise, l’adaptation des rythmes de teillage et le report des pailles devront nécessairement être accompagnés d’une réduction drastique des surfaces en 2021 », déclare Guillaume Hemeryck, agriculteur et président de la coopérative normande Terre de Lin. Le Cipalin table sur une diminution de la surface moyenne de lin textile de 50 à 70 % en 2021 par rapport à la moyenne de trois années de référence, entre 2016 et 2019. « Ce mode de calcul laisse ainsi à chaque liniculteur et à chaque teillage la possibilité d’adapter la réduction des surfaces aux spécificités des exploitations et des départements liniers », souligne le comité interprofessionnel. Mais il faudra que tout le monde joue le jeu pour qu’on ne se retrouve pas encore en surproduction l’année prochaine.

« Avec deux récoltes de pailles de lin à stocker en ferme et des surfaces de lin réduites d’au moins 50 % en 2021, cette crise impacte dès aujourd’hui les revenus des liniculteurs. Nous incitons d’ores et déjà les producteurs à étudier avec leur banquier l’ouverture d’un dossier individuel pour la gestion de leur trésorerie », conseille le président de l’AGPL Bertrand Gomart. Pour les producteurs de lin, 2020 sera une « année perdue » et le rebond attendu en 2021 ne couvrira sans doute pas les pertes. L’onde de choc s’annonce terrible pour l’équilibre économique des exploitations.

F.-X. D.