Quel est le bilan de la campagne 2019-2020 ?

Cette campagne a globalement permis une adéquation entre l’offre et la demande. Elle a été très difficile pour les producteurs de fécule, qui ont souffert de la sécheresse pour la deuxième année consécutive. Au niveau des pommes de terre d’industrie, nous avons des résultats équilibrés grâce aux hausses de surfaces et une réponse à l’irrigation très correcte ; en revanche les coûts sont très importants. Au niveau du frais, les craintes que l’on pouvait avoir, à la suite des hausses de surfaces par rapport à une demande atone, se sont avérées infondées compte tenu de la baisse des rendements. Nous sommes dans un marché où l’offre et la demande sont tout juste équilibrées. La crainte pour 2020 est que, si l’on maintient les surfaces et que le climat est normal, on risque d’avoir un effondrement des prix.

Quel sera l’impact de la fin du CIPC sur les coûts des productions ?

Pour la prochaine campagne, nous aurons une hausse très significative des coûts de conservation – environ 15 €/t stockée – liée au remplacement du CIPC par des produits alternatifs beaucoup plus chers. Comme le chlorprophame, les produits à base de menthe et le Dormir s’appliquent par thermonébulisation, mais ceux à base d’éthylène nécessitent des équipements très particuliers. Certains producteurs auront des coûts de mise aux normes des bâtiments, qui doivent désormais être très étanches. Ils devront repenser tout le modèle de commercialisation.

Quel accompagnement demandez-vous ?

Nous avons demandé une LMR temporaire qui nous permettra à la fois de nettoyer les bâtiments et de faire disparaître progressivement les résidus de chlorprophame. Nous souhaitons que l’État et les régions nous aident dans le processus d’adaptation de nos bâtiments aux nouvelles normes, puisque c’est un choix politique qui nous l’impose.

Avez-vous réussi à répercuter ce coût dans les contrats ?

Les contrats pour les plantations 2020 sont en cours de finalisation. Les premiers éléments laissent entendre que l’intégralité des coûts n’est pas prise en compte. Les acteurs de la filière portent une lourde responsabilité sur les retards qu’elle pourrait prendre à s’adapter aux nouvelles exigences agroécologiques que demande la société.

Les féculeries ont du mal à trouver des volumes. Que faudrait-il faire ?

L’arrivée de nouveaux producteurs a permis de retrouver des niveaux de surfaces équivalents aux années où la fécule était sous OCM. En revanche les faibles niveaux de rendement n’ont pas permis de retrouver des volumes. C’est dommage car la fécule a le vent en poupe pour l’alimentaire et l’export. Le maintien de l’aide couplée dans la prochaine PAC est clairement un moyen d’accompagner le développement de cette filière.

Des betteraviers souhaitent faire davantage de pommes de terre au détriment de la betterave. Qu’est-ce que cela vous inspire ?

Quand un agriculteur fait le choix de son assolement, il regarde la rentabilité de ses productions. Or c’est aujourd’hui très compliqué en betterave. Certains se disent : peut-être y a-t-il des opportunités en pommes de terre ? C’est un mauvais calcul, car une augmentation des surfaces en pommes de terre signifiera un effondrement du marché et moins de surface en betteraves. Cela causera un problème de compétitivité aux sucreries et au final à la betterave française. L’intérêt à court terme des agriculteurs n’est pas celui de la ferme France.

La filière pomme de terre peut-elle construire quelque chose avec la filière betterave ?

Oui, je souhaite tisser des liens très étroits avec la filière betterave. Betteraviers et patatiers ont les mêmes contraintes et les mêmes combats à mener. Ils sont sur les mêmes bassins de production et, globalement, sur les mêmes logiques de marché mondialisé. Et puis il y a une forte attente des producteurs pour aller vers une simplification de la défense collective. Regardons ce que peuvent faire ensemble la CGB et l’UNPT !

Quel emblavement préconisez-vous pour 2020 ?

C’est très simple : une augmentation des surfaces en fécule pour améliorer la rentabilité industrielle et alimenter les marchés qui sont bien là. Au niveau du frais, il faudrait avoir une légère baisse des surfaces. Quant à la pomme de terre d’industrie, il faut être prudent et accompagner les demandes, tout en ayant un regard sur ses coûts de production et sa capacité à satisfaire les contrats.

La présence des industriels belges en France est-elle un problème ou un débouché supplémentaire ?

Les industriels belges et néerlandais, qui sont près des ports pour l’exportation, sont nos clients. Ils représentent un débouché supplémentaire et c’est d’ailleurs par ce biais que l’exportation de pommes de terre françaises s’est développée. Les producteurs belges venant produire en France ne sont pas un problème tant qu’ils respectent pleinement la législation française au niveau environnemental, sanitaire et social.

Quel est le point fort des producteurs français ?

Nous avons des agriculteurs performants qui n’ont pas saturé leur capacité de production. Et par rapport à nos collègues allemands, nous avons un terroir qui produit des pommes de terre de très grande qualité avec un haut rendement industriel. La France a un territoire sain et elle est championne d’Europe d’utilisation du plant certifié.