Les chasseurs (tous modes de chasse confondus) prélèvent en moyenne 800 000 sangliers, 600 000 chevreuils et 65 000 cerfs et biches par an, dans le cadre de plans de chasse rigoureusement élaborés. Ces prélèvements sont indispensables pour maintenir l’équilibre entre la faune sauvage et la forêt. Les forestiers estiment d’ailleurs que cette ponction est insuffisante. Dans ce contexte, la vénerie, mode de chasse où le gibier échappe trois fois sur quatre à ses poursuivants, est à la fois légitime et nécessaire. Elle rassemble les membres de l’équipage – les « boutons » mais aussi un public considérable de suiveurs pour lesquels le spectacle est gratuit. Dans nos campagnes on suit la « grande chasse » à courre à pied, en voiture, ou à vélo. L’empathie est évidente. Cela fait partie des traditions de nos grandes forêts dans tous les départements.

Une vague de violence s’est pourtant abattue l’an dernier pour perturber ce mode de chasse. On a pu craindre un effet boule de neige, mais il n’en a rien été. La société de vénerie vient de tirer un premier bilan. Il est encourageant.

Pierre de Rouälle, son président, fait cette mise au point : « Plus personne n’est dupe des provocations et mensonges propagés par ces mouvements pour salir notre mode de chasse. Nous n’avons rien à cacher ; nous voulons, tout au contraire, faire mieux connaître notre passion au plus grand nombre. La chasse à courre requiert une connaissance profonde de la nature et de la faune sauvage. Seuls nos chiens chassent, dans une confrontation loyale, où trois fois sur quatre l’animal sort vainqueur. Venez voir nos chenils, nos écuries, venez écouter nos trompes, essayez de comprendre ce que nous faisons et comment nos chiens chassent, plutôt que de juger sans connaître. Nos portes sont ouvertes. »

Lassitude

La baisse des tensions s’explique de plusieurs façons. Les décisions judiciaires d’abord : le classement sans suite de « l’affaire de La Croix-Saint-Ouen » datant d’octobre 2017. L’équipage avait dû, à la demande de la gendarmerie, tirer un cerf dans le jardin d’une maison jouxtant la forêt. Certaines associations avaient porté plainte. Elles fondaient de grands espoirs sur la condamnation des veneurs. Or le parquet de Compiègne a classé l’affaire sans suite.

La lassitude des medias ensuite. Bien relayées dans un premier temps, les attaques souvent violentes contre les équipages ont fini par lasser.

L’origine trouble de certaines associations enfin. Il s’avère, en effet, que des groupuscules d’extrême gauche connus pour leur action violente – en forêt comme sur le bitume – poursuivaient des objectifs politiques.

On a ainsi pu voir en Bretagne d’anciens militants d’une association antichasse à courre la dénoncer en brandissant des pancartes « Stop aux mensonges ». Ils sont même venus en forêt parler aux veneurs du « comportement dégueulasse » (sic) et « sectaire » de leur leader. Il est vrai que ce dernier attaquait les veneurs sur leur vie privée et organisait de fausses agressions. Pour que des militants s’estiment trahis il faut que le chef ait dépassé les bornes. C’est ce qui s’est produit.

Caution

La saison s’est donc, dans l’ensemble, déroulée convenablement pour les 10 000 veneurs pratiquants et 100 000 sympathisants de nos 390 équipages. Les opposants avaient planifié quatre manifestations dans l’Orne, l’Oise, la Vendée et l’Ille-et-Vilaine, contre six l’an passé. Elles auront réuni 150 manifestants au total (contre 450 l’année passée). Dans l’Oise, berceau historique de la fronde, on a dénombré une centaine de personnes, contre trois cents en 2018.

Les tentatives d’entrave se sont soldées par des échecs, la gendarmerie de plus en plus présente veillant au bon déroulement des opérations. Reste deux points noirs : la région parisienne et la Picardie où les actions de harcèlement se sont poursuivies.

Tous les protecteurs de la nature ne sont pas opposés à la vénerie. J’ai bien connu Antoine Reille, président d’honneur de la LPO. Antoine est le fils du baron Karl Reille, bien connu pour ses aquarelles et son livre La Vénerie contemporaine, qui dressait la liste des équipages en 1914. Antoine ne chassait pas. Fondateur de France Nature Environnement, il était très impliqué dans la défense de la nature en général et celle des oiseaux en particulier. Mais contrairement à ceux qui lui ont succédé, il savait faire la part des choses. Il considérait la chasse raisonnable comme parfaitement compatible avec la bonne santé des espèces. Et la chasse à courre comme l’une de ses plus nobles variantes. Nous avions d’ailleurs réédité ensemble, aux éditions Claude Tchou, le livre de son père.

Il me semble qu’il apporte une caution de poids à cette belle tradition.

Éric Joly