La suspension de la chasse de la tourterelle des bois a provoqué bien des réactions tant du côté des chasseurs que de celui des opposants.

Il est vrai que l’histoire est rocambolesque. L’an dernier, la ministre de la Transition écologique et solidaire, Elisabeth Borne, signe un arrêté autorisant la chasse de 18 000 oiseaux. Ce quota est présenté par le gouvernement comme une avancée dans la « gestion adaptative » de l’espèce.

Le 22 juillet dernier, la nouvelle ministre, Barbara Pompili, continue sur la lancée de ses prédécesseurs en lançant une consultation publique qui autorise la chasse de 17 460 tourterelles, tout en se félicitant d’avoir réduit leur nombre par rapport à l’an passé.

Le 27 août, le gouvernement français rend finalement sa décision à travers un arrêté publié au Journal Officiel : les chasseurs sont bien autorisés à un prélèvement maximal de 17 460 pièces sur un volume d’oiseaux estimé, au minimum, à 400 000 selon le Muséum National d’Histoire Naturelle.

Le 11 septembre, suite aux recours de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) et On Voice, le Conseil d’État décide de suspendre cet arrêté. On ne chassera donc plus la tourterelle des bois cette année ce qui, soit dit en passant, ne changera pas grand-chose, la majeure partie des effectifs étant retournée en Afrique à la mi-septembre.

5 600 kms en un mois

La tourterelle des bois arrive chez nous à partir du mois de mai pour nicher. La migration de retour débute dès la fin juillet, pour atteindre son maximum d’intensité du 15 août au 15 septembre. Les derniers oiseaux – souvent des jeunes nés tardivement – nous quittent fin septembre.

Il faut environ un mois pour que l’oiseau revienne dans ses quartiers d’hiver en Afrique. C’est le temps qu’il a fallu à un sujet parti de Suffolk (Royaume-Uni), équipé d’une petite balise satellite, pour atteindre le Mali distant de 5 600 km.

Comment se porte l’espèce ? Contrairement à la tourterelle turque, sédentaire et qui roucoule partout, tant en ville qu’à la campagne, la tourterelle des bois souffre.

Elle n’est pas en danger d’extinction mais ses populations nicheuses ont régressé dans les pays d’Europe.

Selon l’Office Français de la Biodiversité (OFB, l’ex-Office National de la Chasse), l’espèce est en déclin modéré. La carte des nicheurs 2010 nous montre une répartition géographique hétérogène, avec une nidification de l’espèce plus importante dans la partie ouest de la France. En Europe, elle est en diminution au Royaume-Uni, en Hollande et en Belgique. Elle présente aussi des signes de déclin en Suisse et en Allemagne. Elle est stable en Espagne.

Comment expliquer ce phénomène ? C’est très simple : une espèce se développe en fonction de la qualité du milieu qu’elle affectionne. Or, la tourterelle des bois qui arrive en Europe pour nicher aime les boqueteaux, et surtout les haies où elle établit son nid.

Les haies ayant massivement disparu, le milieu ne lui convient plus.

L’espèce est-elle mortellement frappée pour autant ? On l’ignore, pour la bonne raison qu’aucun comptage n’a eu lieu en Afrique noire là où ces migratrices se cantonnent pendant la majeure partie de l’année.

Cette tourterelle vient moins se reproduire en Europe pour les raisons indiquées plus haut. C’est le seul fait avéré.

Confusion

Certains prétendent que le fait de la chasser en été au Maroc mine l’espèce. Ils ont tort car ils confondent deux oiseaux.

La tourterelle chassée là-bas n’est pas « la nôtre ». Dans sa thèse (« Contribution à l’étude de la tourterelle des bois », 2002, école vétérinaire de Toulouse), le Dr Michael Christophe Dubois le rappelle : « au Maroc, la chasse à la tourterelle porte essentiellement sur Streptopelia turtur arenicola, sous-espèce différente de celle qui fréquente l’Europe. La chasse au Maroc n’influence donc pas les populations de Streptopelia turtur turtur ».

C’est si vrai d’ailleurs qu’arenicola niche en mai-juin dans les orangers d’Afrique du nord, à l’époque où turtur niche en Europe !

Au physique, arenicola ressemble comme une sœur à la migratrice européenne. Les deux oiseaux sont impossibles à différencier. On retrouve le même manteau fauve taché de noir et le triple collier de velours noir.

Rappelons qu’au Maroc, toutes les conditions sont réunies pour que la cousine prospère : champs de blé pour la nourriture, vastes orangeraies pour la nidification. La date d’ouverture a été repoussée pour qu’elle puisse se reproduire dans la tranquillité.

On voit donc que la chasse a un impact marginal sur la tourterelle des bois. D’une part, la chasse de printemps a été définitivement supprimée.

D’autre part, compte tenu des dates d’ouverture, la chasse d’été sur les jeunes et les adultes ne durait au maximum qu’une quinzaine de jours. Et uniquement dans certains départements du sud de la France.

Ensuite, les oiseaux filent vers l’Afrique – Sénégambie, Mali, Burkina Faso, Guinée-Bissau et nord de la Guinée – où les attend une nature intacte et accueillante.