Les pouvoirs publics ont décidé de reconduire pour 2021 le plafond d’abattage de loups : 19 % de la population supposée, soit une centaine d’animaux.
Si ce plafond, identique à celui fixé pour 2020, est atteint avant la fin de l’année civile, il pourra être porté à 21 % pour les seuls tirs de défense.
Ce chiffre avait été proposé l’été dernier par la préfecture d’Auvergne-Rhône-Alpes, chargée de la gestion de l’animal. En 2020, 96 loups (sur 100 autorisés) avaient été abattus avant la fin du mois d’octobre.
Rappelons que 11 000 moutons ont été égorgés l’an dernier.
80 meutes
Cette politique de régulation est en œuvre depuis plusieurs années. Depuis son application, 400 loups ont été abattus.
Qu’en penser ? D’abord, que les tirs concernant un grand prédateur en constante expansion, et qui s’attaque souvent aux troupeaux, sont nécessaires.
Ensuite, que l’on se base pour 2021 sur une population évaluée « a minima ». En effet, l’Office français de la biodiversité (OFB) a estimé la population de loups aujourd’hui présente en France à 80 meutes, pour 580 animaux. En fait, il y en a certainement davantage. Ainsi, en Allemagne, nous avons 105 meutes pour 1 000 loups. En Suisse, 10 meutes pour 80 loups. Huit loups par meute, ce qui ferait chez nous 640 loups. Et on ne voit pas pourquoi l’animal serait moins fécond en France.
Les réactions des éleveurs sont mitigées. S’ils se félicitent de cette ponction, ils l’estiment néanmoins insuffisante.
« Les Jeunes agriculteurs sont contents que soit reconduit le quota pour 2021. Pour autant, on estime que les chiffres avancés ne sont pas suffisants car l’OFB ne nous a pas encore communiqué le nombre de loups réel sur le territoire, sachant que l’on voit le loup dans des départements où sa présence n’avait pas été jusque-là confirmée, comme la Seine-Maritime et la Saône-et-Loire », explique ainsi Margot Megis, présidente du syndicat des Jeunes agriculteurs (JA) des Alpes-de-Haute-Provence.
Dans ce département, 446 attaques (pour plus de 1 300 bêtes tuées) ont été enregistrées l’an dernier.
« C’est mieux que rien, mais c’est du marketing pour calmer les éleveurs, par rapport à la population lupine réelle », estime pour sa part Laurent Despied, président de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA). « Il faut que les éleveurs puissent se défendre ».
L’exemple espagnol
Ces tirs peuvent-ils ralentir, voire menacer l’espèce ? C’est ce qu’avancent les associations protectrices du loup. Toutefois, les lois de la nature nous apprennent que ce qui freine ou pousse une espèce n’est pas le prélèvement, mais la qualité du milieu. On peut donc penser que le loup poursuivra son expansion là où il se plaît ,c’est-à-dire dans les régions suffisamment vives en moutons ou en proies sauvages.
On doute qu’il puisse coloniser l’Île-de-France, même si les forêts locales sont denses en cervidés. La pression humaine est telle qu’il ne parviendra pas à s’installer. En revanche, il consolidera ses positions dans l’est et le sud-est du pays, les Alpes, le Massif central et les Pyrénées.
On objectera qu’il y a plus de 2 000 loups en Espagne et que ceux-ci soulèvent moins de polémiques. C’est vrai (même si, dans les Pyrénées espagnoles, les éleveurs protestent vigoureusement). Explication : la gestion de l’animal est différente. Elle s’adapte aux territoires fréquentés. Dans certaines régions – Murcie ou Andalousie – il est strictement protégé. Mais dans d’autres, on le chasse. C’est le cas en Cantabrie (au nord du pays), dans la Rioja ou au Pays basque (à deux pas de chez nous !) Et dans certaines zones pastorales, les agents communaux le détruisent. Ces mesures pragmatiques permettent d’adapter la population de loups à l’activité humaine : parfois gibier, parfois protégé, parfois éliminé.
Ainsi, on laisse le loup prospérer dans des zones où sa présence est sans conséquence et on le chasse ou on l’éradique dans les zones conflictuelles.
L’Espagne faisant partie de l’Europe, certains s’étonneront sans doute qu’elle puisse avoir ainsi les coudées franches – et un loup gibier ! – alors que nous sommes sous carcan.
Cela fait partie des mystères politico-bureaucratiques de la Communauté européenne.
Espagne : 2 200 à 2 500 loups.
Italie : de 1 000 à 2 400 animaux. L’essentiel du développement observé se réaliserait dans la partie alpine de la population.
Suisse : 80 loups (10 meutes).
Allemagne : 1 000 loups (105 meutes). La population, en développement, est localisée principalement dans le tiers nord-est du pays, avec quelques individus en dispersion à l’ouest.
Belgique : seuls quelques indices font état de la présence sporadique de l’espèce.