Premier producteur mondial de malt, la France a fait face à une demande accrue en 2020, en dépit de la crise sanitaire et de la fermeture des bars et des restaurants. « L’an dernier, les importations chinoises ont asséché le marché », constate le directeur de France Export Céréales, François Gatel, lors du dernier colloque sur les orges brassicoles, organisé par Arvalis. Or, les surfaces françaises ont perdu 10 % lors de la campagne 2020-21. Elles se situent autour de 1,2 million d’hectares en cumulant orge d’hiver et orge de printemps, contre 1,4 Mha l’année précédente. Pour Luc Pelse, ingénieur chez Arvalis, « il faut retrouver des surfaces, tout en usant des leviers pour faire face aux aléas. Par exemple avec les orges semées au printemps, plus économes en produits phytos. Ou encore par le recours aux variétés tolérantes à la jaunisse nanisante de l’orge (JNO) et aux maladies, sans oublier le pilotage de l’azote pour régulariser la teneur en protéines. Il faut apporter des innovations afin que les orges françaises demeurent compétitives ». Actuellement, les rendements moyens stagnent à 64 q/ha pour l’orge d’hiver et à 59 q/ha pour l’orge de printemps. Le savoir-faire de la filière reste toutefois un atout : « nous avons la technicité permettant de répondre aux besoins de l’ensemble des brasseurs mondiaux », estime François Gatel.

Formation en ligne au stockage

« Les filières doivent s’inscrire en phase avec les mutations de la société en tissant des liens de confiance. La RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) donne un cadre pour accompagner ces engagements », souligne Cécile Adda, responsable RSE d’Intercéréales. « Après un an de travail sur la RSE, une première évaluation très positive a été réalisée en novembre 2020. Le programme fixé par la filière comporte plusieurs objectifs. Le premier est d’amplifier la transition agro-écologique, en publiant un guide réalisé en liaison avec l’Office de la Biodiversité, explique Cécile Adda. Ensuite, nous visons la décarbonation, en particulier à l’appui du label bas carbone qui sera bientôt validé ». La profession travaille aussi de façon collective sur les filières à haute valeur, telles que la « bio ». La mise en place de stockage des grains sans insecticide figure parmi les priorités. « Nous allons proposer un outil de formation face au risque professionnel lié au stockage. Il sera diffusé sous forme de Mooc (formation en ligne) », annonce Cécile Adda.

Les malteurs engagés

Les efforts portés par les malteurs en RSE sont déjà importants. Sur son site de Pithiviers, le groupe Soufflet cible la protection de l’environnement, les économies d’énergie et la valorisation des déchets. La malterie de Pithiviers a rénové ses installations dans les trois dernières années. L’ensemble du site a été certifié au titre d’agriculture biologique au printemps 2017, lui permettant de proposer une gamme complète de malts bio exclusivement produits en France. Depuis 2018, la malterie de Pithiviers a poursuivi ses actions RSE et réduit son impact sur l’environnement. Ainsi, 50 % de l’énergie thermique totale de la malterie provient de l’eau chaude issue de l’unité d’incinération des déchets d’Inova, partenaire de Soufflet. En moyenne, 30 tonnes par semaine de boues de station d’épuration et de poussières non valorisables en alimentation animale sont évacuées de la malterie, et destinées à la méthanisation. Elles sont transformées en énergie verte sur le site proche de BGB (Beauce Gâtinais Biogaz) d’Escrennes. La malterie de Pithiviers est partenaire du site d’incinération Inova d’une part, et fournit le méthaniseur de BGB en déchets non valorisables, d’autre part.

RSE en brasserie

Les brasseurs sont aussi engagés dans la démarche RSE depuis plusieurs années. « Nous avons réduit notre consommation d’eau de 40 % depuis trente ans et diminué les rejets. Certaines brasseries préparent leur autonomie énergétique », explique Maxime Costilhes, délégué général de Brasseurs de France. Depuis 2009, Heineken poursuit sa démarche « Brassons un monde meilleur ». Le groupe s’est engagé à protéger les ressources en eau par de meilleures méthodes de gestion en brasserie, affichant déjà une baisse de 27,3% de la consommation en 7 ans. Autre volet : la baisse des émissions de CO2, avec des efforts réalisés sur le maltage, en brasserie, en distribution, en transport et chez le client. Heineken s’est aussi engagé à s’approvisionner de façon responsable avec tous ses fournisseurs, à l’appui d’un code éthique et d’un approvisionnement local favorisé. Enfin, l’entreprise se mobilise pour la sécurité des collaborateurs, avec un objectif « 0 accident ». Auprès des consommateurs, Heineken promeut une consommation responsable. L’entreprise a aussi lancé le prix « Des cafés pour nos régions », qui aide à la création et à la reprise de cafés et de brasseries en France. Cet exemple n’est pas le seul. « Les brasseurs nous demandent davantage de décarbonation et moins de chimie. Nous avons une obligation de résultat, dans lequel la qualité sanitaire des orges reste essentielle », conclut Jean-François Loiseau, président d’Axéréal.