L’apparition de carences se traduit par un retard de développement et par un éventuel rougissement des feuilles dans le cas du phosphore. Dans tous les cas, une fois la carence en place, le retard provoqué n’est pas rattrapable, et est donc préjudiciable aux performances technico-économiques de la betterave. Il est donc indispensable d’anticiper ces apports, grâce à la réalisation régulière d’analyses de sols, environ tous les cinq ans. La betterave sucrière étant une culture considérée comme exigeante vis-à-vis du phosphore et du potassium, il est judicieux de les réaliser avant sa mise en place.

Des apports déterminés par le contexte et les valeurs de l’analyse

Ces analyses sont à la base du calcul de dose à apporter, dont la formule et les paramètres ont été établis par le Comité français d’étude et de développement de la fertilisation raisonnée (Comifer). Pour un type de sol donné, des valeurs de seuils dites de renforcement et d’impasse ont été déterminées, selon l’élément considéré (P ou K) et la méthode d’analyse employée (Olsen, Joret-Hébert, Dyer pour le phosphore). Le seuil de renforcement (Trenf) est défini comme la valeur sous laquelle un apport d’amendement équivalent à l’exportation théorique ne suffit pas à éviter des pertes de rendement.
Le seuil d’impasse (Timp) se définit quant à lui comme le niveau d’offre du sol au-delà duquel l’absence de fertilisation n’induit pas de perte sensible de rendement. La confrontation de la valeur de l’analyse de sol à ces seuils, et la date du dernier apport, permettent de déduire un facteur (tableau 1 – pour le phosphore). En le multipliant au rendement prévu et à la teneur en éléments des exportations (0,5 kg P2O5/t à 16 °, 1,8 kg K2O/t à 16 °), on obtient la dose d’engrais à apporter. Un complément peut être nécessaire dans le cas où les résidus du précédent auraient été exportés. Le Comifer indique toutes les valeurs de paramètres permettant d’appliquer le calcul à sa propre situation dans sa brochure (« La fertilisation P-K-Mg »), disponible gratuitement sur son site internet www. comifer.asso.fr.

Des nouveaux seuils pour le phosphore en sols de craie

La plupart des références ayant permis d’établir le conseil d’apport de phosphore en sols de craie étaient basées sur des analyses Joret-Hébert. La traduction de ce conseil pour des analyses Olsen, aujourd’hui beaucoup plus courantes, s’est faite par l’étude de la relation entre ces deux méthodes d’analyse sur des échantillons de sols de craie. En 2020, le Comifer a mené un travail d’actualisation de cette relation. De nouvelles valeurs de seuils de renforcement et d’impasse ont alors été définies (tableau 2) : les valeurs de ces seuils ont été diminuées, ce qui se traduit par une baisse globale des apports de phosphore. A titre d’exemple, un betteravier en sols de craie, avec un objectif de rendement autour de 85 t à 16 °/ha, et une valeur d’analyse Olsen à 125 ppm, voit sa dose de conseil d’apport réduite d’environ 40 kg P2O5/ha,
soit environ 90 kg/ha de Super45. Étant donné le niveau de prix actuellement très élevé des engrais, la prise en compte de cet ajustement du conseil est loin d’être négligeable. Pour des conseils établis par les laboratoires, sur la base d’une analyse antérieure à 2020, il convient d’actualiser le calcul d’apport.

Renouveler les seuils d’impasse

L’ITB participe avec Arvalis au projet « Juste-P », porté par l’UMR INRAE-Bordeaux Science Agro ISPA. Ce dernier vise à réactualiser les seuils d’impasse pour le phosphore, proposés dans les années 1990 par le Comifer, en se basant sur des méthodes reconnues internationalement.

Financé pendant 8 mois par le LabEx COTE de l’Université de Bordeaux, ce projet a permis de regrouper des jeux de données, et de les enrichir grâce à la réalisation d’analyses. Les travaux initiés seront poursuivis dans le cadre du groupe P-K-Mg du Comifer.