Selon une étude Agreste du ministère de l’Agriculture, la surface de céréales à pailles emblavée à l’automne 2021 (7,35 millions d’hectares – Mha) est inférieure de 3,9 % à celle de l’an passé. Autrement dit, les agriculteurs français envisageaient déjà, l’automne passé, de consacrer plus de terres à leurs cultures de printemps qu’en 2020-2021.

Certes, les prix des engrais nécessaires pour les cultiver avaient déjà beaucoup augmenté, mais la situation semblait maîtrisée.

Aujourd’hui, les prix records des intrants rendent ces cultures de printemps, gourmandes en engrais, très risquées. Et l’horizon ne semble pas s’éclaircir.

Sur les marchés de l’azote et de la potasse, la Russie et la Biélorussie ont les moyens d’imposer leurs propres mesures de rétorsion en réaction à celles imposées par les pays occidentaux, rapporte le site sovecon.ru. Par exemple, les deux pays pourront choisir les partenaires avec lesquels ils exporteront des engrais.
De plus, les prix records permettent à la Russie et à la Biélorussie de réduire délibérément les quantités d’engrais qu’elles décideront d’exporter, ou pas tout, en réalisant un chiffre d’affaires supérieur aux années passées. Dit autrement, la pénurie sera, sur les marchés des commodités, une arme de guerre.
Une baisse de la production mondiale de céréales n’est donc pas à exclure, faute d’engrais pour les produire. Et « selon le Kremlin, il reviendra alors aux pays occidentaux d’en assumer la responsabilité », rapporte Sovecon.ru.

Supérieur à 350 € depuis plus d’une semaine, le prix de la tonne de blé sur le marché de Rouen – récolte 2022 – traduit les doutes qui planent sur la production récoltée l’été prochain et, surtout, sur les conditions de sa commercialisation. Aux États-Unis, c’est le prix du maïs qui sert d’étalon.

La semaine dernière, FranceAgriMer soulignait l’état des cultures d’hiver mitigées dans l’hémisphère Nord. Après avoir enduré un hiver très froid, les céréales semées dans le sud des États-Unis souffrent d’un déficit hydrique important. D’autres régions du globe sont confrontées à des situations similaires.

Mais en Russie, le potentiel de production de blé est estimé à 82 Mt, rapporte le site Sovecon.ru. Le Kremlin aurait les moyens d’en exporter jusqu’à 38 Mt si le trafic maritime sur la mer d’Azof est sécurisé. Mais le gouvernement russe privilégierait avantageusement les pays importateurs qui n’ont pas condamné l’invasion russe en Ukraine, au détriment d’autres.

Or, à 350 € la tonne, de nombreux pays n’ont pas les moyens de financer leurs achats. Alors que dans les exploitations françaises, on en est à se demander si ce prix se maintiendra à son niveau actuel jusqu’au moins l’été prochain. Dans certaines fermes, les coûts de production atteindront plus de 300 € la tonne.

Aucune détente sensible des cours n’est envisagée. Et en payant très cher leurs céréales, les pays importateurs financent une partie de la politique agricole russe. La collecte des droits flottants, appelés à remplacer les taxes à l’exportation au mois de juillet prochain, sera intégralement reversée aux agriculteurs russes sous forme de subventions.

En France, le conflit entre la Russie et l’Ukraine impacte la fin de campagne 2021-2022. Les prix du fret réorientent une partie des exportations destinées aux pays tiers (9,5 Mt ; – 200 000 t) vers nos voisins européens (8,06 Mt ; + 155 000 t). Par ailleurs, 113 000 t de maïs en plus seraient aussi vendues pour compenser, à la marge, l’absence d’importations ukrainiennes.
L’extension de la grippe aviaire modifie aussi les perspectives de débouchés des céréales encore en stock. 100 000 tonnes de blé et de maïs en moins seraient transformées en aliments. Des chiffres appelés à être revus dans les prochaines semaines.