La France est le premier pays exportateur au monde de pommes de terre de conservation, et tient à le rester. Or, ces dernières années, les producteurs de pommes de terre sont soumis à de dures épreuves avec l’apparition de nouveaux bioagresseurs ou de nombreux accidents climatiques. Ces aléas réduisent considérablement le potentiel de production des champs cultivés.

Dans un communiqué publié au mois de juin dernier, l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT) relatait ni plus ni moins cette inquiétude permanente.

« Les aléas climatiques (coup de chaleur, fortes précipitations, sécheresse, etc.) passés, présents et futurs pourraient nous réserver d’autres surprises dans les jours ou semaines à venir, par leur influence sur le rendement final et sur la qualité », écrit l’organisation de producteurs.

Autre défi à relever dans les prochaines années : rendre la culture de pommes de terre « PAC compatible ». Celle-ci ne doit pas être un obstacle à l’obtention des aides écorégimes : or, le nombre de traitements pratiqués chaque année, en réponse aux différentes maladies, est assez important.

Enfin, la culture de pommes de terre ne doit pas contrecarrer les efforts entrepris pour stocker du carbone organique dans le sol. Les producteurs de pommes de terre doivent pouvoir s’inscrire dans la démarche « Label bas carbone ».

Pour autant, la production de pommes de terre reste incontournable en France et dans le monde. Elle fera partie des aliments qui nourriront les hommes dans les dix, vingt ou trente prochaines années, au même titre que les céréales.

« Pour produire « autrement » et contrer les impacts du changement climatique, plusieurs leviers sont à la disposition des agronomes et des chercheurs », explique Cyril Hannon, animateur de la filière pomme de terre d’Arvalis. Certains de ces leviers portent sur la génétique. Les obtenteurs tentent de sélectionner des pommes de terre résistantes à la sécheresse et au manque d’eau tout en étant moins gourmandes en intrants.

L’agriculture régénératrice

Les obtenteurs cherchent aussi à sélectionner des lignées de pommes de terre résistantes aux bioagresseurs dont les cycles de vie, ou encore les zones de développement, pourraient être modifiés par le dérèglement climatique : mildiou, alternariose, taupin, pucerons, cicadelles etc. Or, les solutions alternatives aux traitements usuellement utilisés font défaut.

Dans les champs, les épisodes caniculaires et les déficits pluviométriques imposent de revoir les pratiques agricoles.

« Depuis quelques années, Arvalis revoit intégralement l’itinéraire cultural de la pomme de terre en expérimentant sa culture sous l’angle de l’agriculture régénératrice : moins de travail du sol, apport de produits résiduaires organiques, etc. », explique Cyril Hannon.

« Parmi ces pratiques, citons aussi l’exemple de l’utilisation des cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) après une culture de céréales et jusqu’à la fin de l’hiver, ajoute l’ingénieur. Les plants de pommes de terre seront alors plantés au début du printemps, après destruction de la Cipan, au sein des buttes préalablement formées ».

Les premiers résultats obtenus, dans le cadre du projet Syppre, sont encourageants. Les systèmes racinaires des Cipan rendent les buttes ameublies et facilitent le drainage de la pluviométrie hivernale tandis que du carbone organique est stocké dans le sol via cette technique.

Pour atténuer l’évaporation de l’eau du sol, des micro-buttes seront toujours édifiées entre les rangs.

« Cette expérimentation a été conduite sur 2 à 3 campagnes et à ce jour, on ne constate pas de différence de rendement notable », explique Cyril Hannon.

L’irrigation semble de plus en plus incontournable, compte tenu des déficits hydriques récurrents auxquels les plantes font face. Mais elle devra être efficace et optimisée en apportant la bonne dose au bon moment. Pour cela, des sondes tensiométriques et capacitives, ainsi que des bilans hydriques, devront être encore plus employés pour déclencher l’irrigation en fonction des besoins du moment.

Les différents itinéraires culturaux, qui combinent à la fois transition écologique, adaptation aux aléas climatiques et stockage du carbone, sont à parfaire. Mais ils reçoivent un bon écho auprès des producteurs consultés. Ces derniers ont compris qu’il fallait changer les pratiques agricoles et sont pour toutes ces raisons dans l’attente de propositions.