À moins de 340 € sur le marché de Rouen le 24 octobre dernier, le prix de la tonne de blé est revenu à son niveau du début du mois, après avoir atteint 364 € treize jours plutôt. À Bordeaux, le cours du maïs a suivi la même trajectoire pour s’aligner sur celui du blé. Les places de marché ont pris note de la nouvelle prévision, à la baisse, de la production mondiale (1 166 Mt ; – 2 Mt sur un mois) publiée par le Conseil international des céréales. Celle-ci est induite par les faibles performances observées parmi les pays membres de l’Union européenne alors qu’en Amérique du sud, les conditions climatiques inquiètent.

Les cours de l’ensemble des grains varient toujours au gré des rumeurs portant sur la reconduction ou non de l’accord sur le corridor maritime en mer Noire qui, soit dit en passant, ne profite pas aux céréaliers ukrainiens. Les coûts exorbitants d’assurance et de transport des grains, des champs aux ports de chargement (plus de 100 € à 150 €/t), sont déduits des prix de vente. Aussi, Olec Bildus, céréalier en monoculture dans la région d’Uman, conserve sa récolte de tournesol (140 tonnes) alors que les 280 tonnes de maïs récoltées en 2021 sont encore en stock. Cette prise de position, adoptée par de nombreux céréaliers ukrainiens, impacte la fluidité des échanges commerciaux.
En fait, l’Ukraine croule sous des stocks de produits agricoles et d’invendus alors que ses habitants n’ont plus les moyens de faire leurs courses. Avec un salaire de 250 €/mois, une serveuse paie le pain 2,5€ le kilogramme, les pommes de terre 0,5 € et la viande de porc près de 7 €. Le prix du gasoil est quasiment le même qu’en France.
Les agriculteurs sont confrontés, plusieurs fois par jour, comme l’ensemble de la population, à des coupures d’électricité qui entravent chacune de leurs activités.

La Niña et les déficits pluviométriques

Dans l’hémisphère sud en Argentine, l’USDA annonce d’ores et déjà la plus faible production de blé depuis sept ans, en raison de la Niña et des déficits pluviométriques qu’elle génère. Entre 15 Mt et 17,5 Mt seraient récoltées. Aussi, l’Argentine ne pourrait exporter que 12 Mt, soit au minimum 4,5 Mt de moins que la campagne passée. Les exportations records de 16,5 Mt avaient alors permis à des pays tels que le Nigéria et l’Indonésie, importateurs majeurs de blé, de se rabattre sur la céréale argentine lorsque la céréale ukrainienne n’était plus exportable.
À partir du mois de décembre, seule l’Australie pourrait donner une bouffée d’oxygène sur les marchés de l’export en proposant, comme la campagne passée, 26 Mt de blé à la vente. Or, des précipitations tardives pourraient finalement altérer cette prévision.
Dans ces conditions, faute de marge de manœuvre, les places de marché ne tarderaient pas à réagir si la menace de ne pas reconduire le corridor ukrainien devenait effective. Les cours mondiaux des grains flamberaient de nouveau alors que, faute de débouchés à l’export, ceux en vigueur sur le marché intérieur s’effondreraient.
Dans son rapport, l’USDA contredit les prévisions du ministère de l’agriculture russe. La récolte de blé serait de 91 Mt et non pas de 102 MT comme le prétend ce dernier. L’augmentation de 21 % de la production par rapport à 2021 est due à la hausse de la surface de blé emblavée (28 Mha) et à des rendements de 31 q/ha (+ 17 %). Mais ils n’ont pas atteint les niveaux records de 2017.
Dans les prochaines semaines, l’indicateur d’ores et attendu déjà pour la campagne 2023-2024 sera, en Russie, la surface de céréales d’hiver emblavée, les agriculteurs russes se plaignant de ne pas avoir les moyens de financer les mises en cultures.