C’est fait : le 2 février dernier, la loi encadrant l’engrillagement a été signée et publiée le lendemain au Journal officiel. La pose hermétique est désormais interdite. Seules sont autorisées les clôtures d’une hauteur maximale de 1,20 m et respectant un passage au sol de 30 cm. Et la loi est rétroactive. Elle s’applique à toutes les clôtures construites depuis le 3 février 1993, c’est-à-dire que l’on revient trente ans en arrière. Pour la conserver, il faudra apporter la preuve de la date de la construction, factures ou attestation administrative, celle du maire de la commune concernée par exemple. Ceux qui se sont précipités pour construire des clôtures en espérant que la loi ne serait pas rétroactive en sont pour leurs frais. Il va falloir démonter. Sauf si vous disposez d’un parc situé à moins de 150 mètres d’une maison, et dont la superficie maximale est de 7 hectares. Le propriétaire en faute devra rectifier le tir – à ses frais – avant le 1er janvier 2027; c’est à dire qu’il a quatre ans pour se mettre en règle. Les sanctions sont sévères. Le fautif pourra écoper d’une peine de 3 ans de prison et de 150 000 euros d’amende. Avec la suspension du permis de chasser, en prime. Et ne comptez pas vous opposer aux fonctionnaires vérificateurs en leur demandant de vous présenter une commission rogatoire : ils en sont dispensés.

Un arrêté conjoint des ministres de l’agriculture et de l’environnement précisera la procédure, afin d’éviter une ouverture brutale des grillages. Le propriétaire d’ailleurs sera tenu de réguler les animaux des parcs à gibier de sorte à éviter un afflux vers les propriétés voisines. En effet, ouvrir un parc à sangliers ou à cervidés aura pour effet de déverser chez le voisin un paquet d’animaux. Certains apprécieront peut-être, d’autres moins …

Roger Reboussin : un impressionniste chez les bêtes
Les parcs de chasse aux sangliers sont dans le collimateur. ©E. Joly

La fin des privilèges

Ce n’est pas tout : tous les territoires grillagés, et même ceux qui seront légaux, perdent leurs privilèges. Ils sont désormais soumis aux périodes de chasse, aux plans de chasse, au respect des conditions d’agrainage, au principe de l’indemnisation des territoires agricoles.

La clôture devra aussi respecter des normes. Elle devra être érigée « avec des matériaux naturels ou traditionnels définis par chaque schéma régional d’aménagement et de développement durable ».

Sont exemptés de la nouvelle réglementation les grillages protégeant les routes et les voies ferrées. Un arrêté préfectoral apportera des précisions. Enfin l’intrusion dans une propriété rurale ou forestière est maintenant punie d’une amende pouvant atteindre 750 euros. C’est nouveau. Le rapporteur avait demandé une amende plus élevée encore, mais l’Assemblée Nationale ne l’a pas suivi.

Roger Reboussin : un impressionniste chez les bêtes
Les parcs à petit gibier sont également concernés. ©E. Joly

Urgence

C’est donc une loi particulièrement sévère qui vient d’être votée. Dans une interview accordée à François-Xavier Alloneau, rédacteur en chef de la revue « Connaissance de la chasse », Jean-Noël Cardoux, sénateur LR du Loiret qui a porté la proposition de loi, revient sur ce texte. Il laisse entendre qu’il la voulait sans doute un peu moins contraignante, notamment dans le domaine de la rétroactivité et de la mise en conformité. Mais qu’il y avait urgence. « Les prises de parole intempestives de certaines personnalités contre l’engrillagement n’ont fait qu’accélérer la pose de nouveaux grillages et radicaliser le débat », dit-il. Il affirme que c’est l’Assemblée Nationale qui a durci le texte sur la rétroactivité. Jean-Noël Cardoux qui est, rappelons-le, président du groupe d’étude chasse et pêche au Sénat, affirme avoir pris de vitesse les propositions d’autres groupes politiques, qui auraient été beaucoup plus contraignantes pour les chasseurs.

Le sénateur reconnaît toutefois que l’application de la loi sera rude : « il y aura des verbalisations, des jugements, des recours, une jurisprudence, voire une question prioritaire de constitutionnalité ». En effet, n’est-ce pas une atteinte au droit de propriété de vouloir limiter les clôtures ?

Et la clôture électrique ?

Si sa hauteur ne dépasse pas 1,20m et laisse une ouverture au sol de 30 cm « permettant en tout temps la circulation des animaux sauvages », elle semble légale. Avec un bémol quand même puisqu’elle doit être construite « en matériaux naturels ou traditionnels ». On peut penser toutefois que des arrêtés préfectoraux viendront bientôt affiner le dispositif.

Que penser de tout cela ? D’abord qu’il fallait effectivement mettre un coup d’arrêt à la multiplication des grillages. Mais que le nouveau dispositif porte aussi des coups très durs aux parcs à gibier et aux chasses commerciales. C’est toutefois une loi soutenue par un sénateur représentant le monde de la chasse, avec la bénédiction de la FNC, Willy Schroen regrettant seulement que l’Assemblée ait durci la rétroactivité.