Les installations de Global Bioenergies sur le complexe agro-industriel de Pomacle-Bazancourt, près de Reims, ne sont sans doute pas très spectaculaires. Elles se résument à deux fermenteurs — un petit et un grand —, une unité de bioconversion et une unité de purification, tous hébergés dans les locaux d’ARD (Agro Industrie Recherches et Développement). Un bungalow fait office d’accueil. Mais il ne faut pas se fier aux apparences : Global Bioenergies, start-up fondée en 2008 à Aix-en-Provence, voit grand, et même très grand. Avec ses bureaux à Paris et sa R&D à Evry-Courcouronnes, où travaillent une cinquantaine de personnes, l’entreprise se veut un acteur majeur de la transition écologique.

Pour résumer, elle transforme la biomasse végétale en cosmétiques et en biocarburants, en suivant un processus chimique complexe mis au point par ses soins, et qui fait appel à des sous-traitants hautement qualifiés en amont et en aval de la chaîne de production. Très schématiquement, Global Bioenergies fabrique de l’isobutène, d’abord sous forme gazeuse, ensuite sous forme liquide, à partir de sucre issu aujourd’hui du blé, demain de la betterave, du maïs, de la paille et du bois, mis en contact avec une bactérie génétiquement modifiée et une enzyme. On obtient ainsi les ingrédients désirés.

Après plusieurs années de recherche, la société a lancé, fin 2022, la production à l’échelle industrielle d’isobutène destinée à la fabrication de produits de maquillage haut de gamme, sous sa propre marque (LAST) ou pour le compte de L’Oréal, son principal actionnaire. Sa capacité de production est limitée à 100 t par an sur le site de Pomacle. Mais une usine devrait voir le jour en 2026, quelque part en France, pour produire de 1 000 à 2 000 t de produit fini, là aussi à l’usage exclusif de l’industrie cosmétique.

Vers une très grosse usine

Une seconde usine, dimensionnée à 30 000 t, pourrait aussi sortir de terre avant la fin de la décennie. Elle s’attaquera cette fois au marché du kérosène et des additifs routiers. Cristal Union s’est positionné, dès 2015, sur ce créneau en créant une joint-venture, baptisée IBN-One, avec Global Bioenergies, dont il est par ailleurs un “petit” actionnaire. « Il s’agira d’un investissement de 150 millions d’euros, qui n’avait pas été jugé rentable aux conditions de l’époque », explique Denis Decorne, le directeur travaux neufs de Global Bioenergies. Cette usine consommera entre 120 000 et 150 000 t de sucre par an, ce qui devient significatif pour la coopérative sucrière et ses adhérents. « On fonctionnera probablement avec un mélange de mélasse et d’EP2. Le sirop issu du second jet permettra de diluer les impuretés », précise Denis Decorne. Les expérimentations sur la mélasse s’avèrent d’ores et déjà concluantes, même s’il reste à optimiser le process et à obtenir une matière première de qualité constante d’une sucrerie à l’autre. En tout état de cause, le procédé élaboré par Global Bioenergies ambitionne de remplacer les énergies fossiles, sans empiéter sur l’alimentation humaine.