« A ce jour, nous n’avons pas encore détecté en France la souche de Phytophthora infestans, 43_A1. Mais cela ne signifie pas qu’elle n’est pas présente », prévient Pierre Deroo, spécialiste des maladies de la pomme de terre d’Arvalis. Cette souche de l’agent pathogène responsable du mildiou de la pomme de terre est résistante à la mandipropamide. Identifiée au Danemark en 2018, elle y représente 60 % des souches de mildiou en 2022.

« Elle était présente au préalable dans la population à un niveau très faible, n’engendrant pas de perte d’efficacité au champ, explique l’agronome. C’est l’application répétée de fongicides à base de mandipropamide qui a conduit à la sélectionner, en supprimant les autres souches ». Au Danemark, des agriculteurs appliquent d’une manière consécutive les mêmes fongicides, notamment le Revus, spécialité contenant uniquement cette matière active.

60 % des souches de mildiou danoises

La rapidité de la sélection de cette souche résistante à la mandipropamide impressionne. En 2018, elle représente 7,5 % des souches danoises de mildiou. En 2020, elle passe à 20 % et en 2022, à 60 %. Dans les parcelles montrant une baisse d’efficacité du Revus, cette souche représente désormais 85 % des isolats génotypés.

43_A1 a déjà migré vers l’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas. En 2022, elle constitue 7% des agents pathogènes du mildiou des deux premiers pays et plus de 40 % aux Pays-Bas. Une perte d’efficacité du Revus est déjà observée dans ce pays, mais pas encore en Allemagne et en Belgique, où la proportion de 43_A1 demeure faible.

« Au Danemark, la reproduction sexuée des souches de mildiou contribue à une diversité génétique importante des P. infestans, propice à héberger des pathogènes résistants au fongicide. De plus, l’agent pathogène se conserve dans le sol, contrairement à ce qui se passe chez nous », précise Pierre Deroo. En France, la reproduction du mildiou s’effectue uniquement de façon asexuée, par clonage. La douceur de notre climat pourrait ne pas inciter les agents pathogènes du mildiou à utiliser cette stratégie de reproduction sexuée.

Alterner les fongicides

« Il faut tout faire pour ralentir le développement de cette souche résistante et ainsi conserver l’efficacité des fongicides à base de mandipropamide », insiste l’expert d’Arvalis.

L’origine de la sélection de la souche résistante 43_A1 est vraiment l’utilisation de programme fongicide, avec des répétitions de la même matière active.

«Pour ralentir le développement de résistance, il faut alterner les différents modes d’action dans les programmes de traitement, martèle le conseiller. De même, il faut limiter les applications du produit solo et opter pour une combinaison avec un fongicide d’une autre famille (1)». Arvalis préconise d’appliquer un maximum de 50 % du nombre total de traitements prévus avec des fongicides de la famille des CAA (Carboxylic Acid Amide). De même, l’institut conseille d’appliquer les CAA en mélange avec un autre mode d’action, au maximum deux fois consécutivement. Si un mélange n’est pas possible, il faut appliquer les CAA en alternance stricte.

Des solutions avec de bonnes pratiques

Seul le respect des bonnes pratiques de protection pourra garantir le maintien de l’efficacité des fongicides à base de mandipropamide (et de CAA par extension) en France. La gestion des tas de déchets avant plantation, l’élimination des repousses et la mise en place de rotations longues sont les premières des précautions à prendre pour réduire l’inoculum primaire. Il faut préférer les variétés résistantes au mildiou, pour réduire les populations d’agents pathogènes et diminuer la sélection d’éventuelles souches résistantes. Ensuite, l’utilisation d’OAD type Mileos permet d’intervenir uniquement si nécessaire. La réduction du nombre d’applications par rapport à un programme systématique réduit la pression de sélection fongicide et retarde la sélection de résistance. « Il convient de maximiser l’hétérogénéité des moyens de lutte, rendre « imprévisible » la pression de sélection, en utilisant dans un premier temps des leviers non chimiques », conclut Pierre Deroo.

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(1) Les produits anti-mildiou autorisés en France contenant des CAA sont : Revus, Revus Top, Zampro Max, Optimo-Tech, Voyager, Remiltine Flex, Banjo Forte. Revus est un produit contenant la mandipropamide solo. Le Revus Top est considéré comme un produit solo, car la molécule associée à la mandipropamide, le difénoconazole, n’a pas d’efficacité contre le mildiou.