« Il y a un compromis de l’ensemble des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale contre la signature de l’accord Eu-Mercosur », s’est félicité Stéphane Travert, député de la Manche, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale le 4 juin dernier. « Cet accord ne répond plus aux exigences économiques, sociales et environnementales que l’on est en droit d’attendre d’un accord commercial. L’unanimité autour de la table renforce notre position pour exiger des clauses miroirs », a poursuivi l’ancien ministre de l’Agriculture.
Les 4 filières et une majorité de députés demandent que la France mette son veto pour bloquer l’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, tel qu’il a été conclu en décembre dernier et que la Commission européenne ainsi que plusieurs États membres veulent désormais valider. Les partisans de cet accord invoquent maintenant le changement de contexte international, depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. Or, le contenu de cet accord n’a pas changé, il est toujours aussi dangereux pour l’agriculture française. Selon les filières, les contingents supplémentaires prévus représenteraient une valeur économique d’au moins 2,87 milliards d’euros pour les seuls secteurs de la viande bovine, de la volaille et du maïs.
L’équivalent de 50 000 ha de betteraves
Pour la filière sucre-éthanol, les volumes concernés sont très significatifs : 190 000 tonnes de sucre, soit l’équivalent d’une sucrerie française et 8,2 millions d’hectolitres d’éthanol, soit 12 % de la production européenne et l’équivalent de la production française d’alcool à partir de ses betteraves. « Ces deux concessions cumulées, accordées par l’UE, représentent la production de 50 000 ha, soit 1/8 des surfaces françaises de betteraves », expose Alain Carré, président de l’AIBS (interprofession betterave-sucre). La France serait le grand perdant de l’accord du fait de sa position de 1er producteur européen d’alcool et de 1er exportateur de sucre vers les pays d’Europe du Sud (Italie, Espagne et Portugal).
OGM, antibiotiques…
Pour les autres filières, ce sont des produits à forte valeur ajoutée qui sont visés en priorité par les exportateurs sud-américains : aloyaux de bœufs, filets de volaille, produits de l’amidonnerie et de la maïserie. « 100 000 tonnes de viande bovine, ce sont forcément 100 000 tonnes d’aloyaux. Donc 50 % de morceaux nobles en plus, ce qui va avoir un impact économique très fort, contrairement à ce que dit la Commission européenne », dénonce Patrick Bénézit, vice-président d’Interbev et président de la Fédération nationale bovine. « Ils utilisent des antibiotiques, lavent les carcasses de poulet à l’eau de javel », ajoute Jean-Michel Schaeffer, président d’Anvol et de la Confédération française de l’aviculture.
Les filières rappellent que ces produits importés bénéficient de conditions de production très éloignées des standards européens : utilisation de substances actives interdites, recours aux OGM, absence de traçabilité, différences de normes sociales ou environnementales… Les agriculteurs sud-américains ont des avantages de compétitivité. « Produire une tonne de maïs coûte 100 € au Brésil, contre 200 € en France. On ne peut pas lutter », illustre Franck Laborde, président de l’Association générale des producteurs de maïs.
Les professionnels des filières agricoles ont reçu le soutien des plusieurs parlementaires. Pour la filière sucre, Alain Carré, président d’AIBS (interprofession), et Christian Spiegeleere, président du SNFS (fabricants).