Quel est l’avenir de la betterave sucrière en France ? Cette question était le fil rouge de l’assemblée générale de la CGB, le 9 décembre à Paris. Alors que la campagne 2024-2025 est pratiquement jouée tant en termes de rendement que de prix, que va nous réserver 2026 ? Les planteurs pourront-ils encore disposer de moyens de production efficaces ? Sur ce sujet, la ministre de l’Agriculture Annie Genevard a annoncé le principe de l’octroi de dérogations pour deux produits : le Movento et l’Insior Gr, de la société de biocontrole Agriodor. Le sénateur Laurent Duplomb s’est engagé à proposer un nouveau projet de loi pour que les agriculteurs français puissent disposer – comme leurs homologues européens – de l’acétamipride et de la flupyradifurone. « Le rapport de l’Inrae est clair : il n’y a pas d’alternatives efficaces », a rappelé le président de la CGB, Franck Sander. La recherche sur les alternatives aux néonicotinoïdes avance, mais trop lentement. « La recherche prend du temps, mais nos exploitations n’en ont plus », a déclaré Fabien Hamot, secrétaire général la CGB.
« Non, non et non »
Sur le plan économique, les défis sont également nombreux. Les marchés du sucre sont en berne et la rentabilité de la betterave est challengée.
Pour contenir la dégringolade des prix, la CGB appelle à gérer les ouvertures des frontières européennes, notamment vis-à-vis des pays du Mercosur ou de l’Ukraine. « On s’apprête à signer des accords toxiques », met en garde Franck Sander. « Sur le Mercosur, c’est non, non et non », a répété le président de la CGB. « Sur l’Ukraine, nous avons déjà payé le prix fort. Les importations de 1,2 Mt de sucre depuis 2022 ont provoqué l’effondrement du marché européen. C’est l’équivalent de 15 €/t de betterave qui se sont volatilisés ! »
L’accord avec les pays du Mercosur est « inacceptable » a convenu Annie Genevard. Malheureusement « tout le monde n’est pas du même avis que la ministre de l’Agriculture française », a-t-elle ajouté en faisant référence à ses collègues européens.
Et puis, quand les prix sont trop bas, la CGB plaide pour des outils de protection comme « l’aide au stockage privé », l’actualisation des prix de référence du sucre, « la possibilité de convertir du sucre en éthanol, comme cela se fait aux États-Unis, en cas de surplus » ou encore que le sucre puisse bénéficier de l’intervention au niveau européen. Enfin à très court terme : « Il est urgent de suspendre le régime de perfectionnement actif », un mécanisme initialement destiné à importer du sucre sans droit de douane, car destiné à être transformé et réexporté. Mais ce dispositif a été détourné depuis des années et a représenté en 2024 la moitié des importations européennes, soit 400 000 t.
Alors, on subit… ou on agit ? interrogeait une des tables rondes consacrée à l’économie. Pour Frank Sander, la réponse est claire : « L’avenir de la betterave et de l’agriculture française ne se négocie pas, il se défend, il se construit ».
Annie Genevard, ministre de l’Agriculture
« La guerre agricole nous menace. Pour la première fois depuis 1977, les importations françaises pourraient dépasser les exportations. Pour un pays qui a été le grenier de l’Europe, c’est un vrai bouleversement. » S’affirmant « lucide » sur les menaces pesant sur la filière betterave sucrière, la ministre de l’Agriculture a indiqué avoir signé, la veille, des documents validant la délivrance de dérogations 120 jours pour le Movento, « au plus près de la période de validité ». Consciente des inquiétudes des planteurs sur l’accord de libre-échange avec le Mercosur, qu’elle qualifie « d’inacceptable », la ministre rappelle que les lignes rouges de la France n’ont pas bougé : des clauses de sauvegarde opérationnelles, toujours en débat au Parlement européen ; des clauses miroirs ; des contrôles aux frontières. Sur la Pac, elle assure que toute proposition allant vers une renationalisation sera refusée : « La Pac à la carte, ce sont les agriculteurs au menu. Nous ne sommes qu’au début des négociations mais nous devons porter ces principes dès maintenant. » Sortant légèrement de son rôle, de son propre aveu, la ministre a clôturé sa prise de parole en appelant les planteurs à faire connaître leurs revendications : « je vous encourage à être nombreux à Bruxelles le 18 décembre ! »
Laurent Duplomb, sénateur de la Haute Loire
Laurent Duplomb décrit une filière enfermée par ce qu’il appelle la surtransposition des règles européennes, « un excès de zèle réglementaire » qui crée à ses yeux une concurrence faussée avec les voisins. Pour le sénateur, l’interdiction de certaines molécules, notamment l’acétamipride illustre une forme hypocrisie : « La France interdit certaines molécules sous prétexte de sécurité, mais ses voisins européens les autorisent, parfois avec des dérogations temporaires, ce qui crée une concurrence déloyale ». Pour Laurent Duplomb, la logique doit être inversée : « Commençons de trouver les méthodes alternatives, aidons-les financièrement. Prouvons qu’elles sont économiquement viables pour l’agriculture et après on interdit ». Malgré la censure de l’article 2 de sa proposition de loi par le Conseil constitutionnel, il promet de relancer le débat : « Je vais redéposer un texte pour réintroduire l’acétamipride début 2026, avec une approche plus prudente pour éviter tout rejet. » Laurent Duplomb appelle à l’engagement collectif : « Il faut être fier de notre modèle » qu’il considère comme « la plus environnementaliste du monde »





