La ministre allemande de l’Environnement exige des zones sans pesticides et une date d’élimination progressive contraignante. Une perspective qui déplaît fortement à la ministre allemande de l’Agriculture. Un article de notre partenaire européen Euractiv.

La ministre fédérale de l’Environnement Svenja Schulze (SPD) veut précipiter l’élimination du glyphosate, désherbant controversé, mettant ainsi sous pression sa collègue de cabinet, la ministre de l’Agriculture Julia Klöckner (CDU). « Nous voulons aller vers la sortie étape par étape, y compris convenir d’une date de fin », déclare Svenja Schulze, à Berlin. Le glyphosate ne doit pas non plus être remplacé par des substances similaires, prévient-elle.

L’herbicide autorisé dans l’UE jusqu’à fin 2022

L’herbicide est autorisé dans l’Union européenne jusqu’en décembre 2022, date avant laquelle une interdiction totale n’est pas possible. Toutefois, l’utilisation de pesticides dans les zones sensibles, par exemple les plans d’eau, doit être limitée, les pratiques d’homologation des pesticides modifiées et des zones protégées créées. L’agence fédérale de l’environnement va maintenant envoyer une première notification au ministère de l’Agriculture avec les conditions d’utilisation des substances contenant du glyphosate. « La coopération du ministère est attendue », a déclaré Svenja Schulze.

Les responsabilités réglementées remises en question

Julia Klöckner a réagi aux propos de sa collègue avec colère. Cette membre de la CDU, parti chrétien-démocrate allemand, souligne que l’objectif est bien de réduire l’utilisation du glyphosate, mais critique cependant l’initiative de la ministre de l’Environnement, en disant qu’il ne sert à rien de « remettre en question des responsabilités déjà réglementées ».

Elle fait en effet référence à un document présenté par ses soins en avril dernier, exposant les principaux enjeux de la réduction de l’herbicide. Ainsi, les particuliers ne seront plus autorisés à pulvériser du glyphosate, les agriculteurs ne pouvant déjà le faire que sous certaines conditions. Au cours des cinq dernières années, l’utilisation du glyphosate a déjà été réduite d’un tiers, souligne-t-elle.

De son côté, Svenja Schulze veut innover avec tous les produits phytosanitaires. Le concept du SPD s’articule autour de trois axes. En plus des exigences relatives aux nouvelles autorisations et restrictions, le parti veut également fixer une date butoir pour le glyphosate en Allemagne dès que possible, explique-t-elle.

Néfaste pour l’environnement

La présidente de l’agence fédérale pour l’environnement, Maria Krautzberger, critique le fait que le glyphosate détruit toutes les plantes sans distinction, gaspillant ainsi de la nourriture précieuse, en plus des moyens de subsistance de nombreuses espèces d’insectes et d’oiseaux (comme les papillons et les alouettes). Bayer, société chimique et pharmaceutique allemande et propriétaire du glyphosate, nie les faits. « Malheureusement, le débat sur le glyphosate en Allemagne est dominé par des intérêts politiques plutôt que par des connaissances scientifiques solides », déclare Helmut Schramm, directeur général de la branche agraire allemande de Bayer.

« Sans l’herbicide, la lutte contre les mauvaises herbes serait plus difficile et moins durable car les agriculteurs devraient labourer davantage. Cela endommagerait le sol et nuirait à la biodiversité », prétend Helmut Schramm. En outre, une diminution de l’utilisation de glyphosate freinerait les agriculteurs allemands par rapport à leurs concurrents européens et internationaux, selon la firme. Le glyphosate est un « moyen sûr, efficace et établi pour les agriculteurs de sécuriser leurs récoltes », poursuit-il.

Bayer a acquis le fabricant de glyphosate Monsanto en juin et fait maintenant face à de nombreuses poursuites judiciaires aux États-Unis, pour accusation de risques de cancer imputés au désherbant.

Heike Jahberg – traduit par Méline Gadji