La sécheresse a durement frappé l’agriculture française cette année. Selon le syndicat FNSEA, 14.000 exploitations sur 440.000 ont déclaré des sinistres, après la chaleur extrême et l’absence de pluie au printemps et en été.

Des épisodes qui créent un vrai problème pour un secteur déjà fragile : la perte de récolte entraîne des pertes de revenus et de trésorerie, surtout pour les cultures d’été qui ont été frappées de plein fouet : le maïs, la betterave, les pommes de terre et les herbages. Les cultures d’hiver, comme le blé, l’orge et le colza s’en sortent plutôt bien au niveau des volumes, mais les prix sur les marchés internationaux sont relativement bas.

Pour les productions affectées, les indemnisations ne fonctionnent que pour les agriculteurs assurés, et peu d’agriculteurs parviennent à assurer pleinement leurs récoltes. Selon la fédération française de l’assurance, le coût annuel des épisodes de sécheresse ne cesse de progresser : soit entre 700 et 900 millions d’euros par an, en fonction des années.

Pour 2019, la FNSEA estime les pertes de l’agriculture à 80 millions d’euros pour l’instant. Le problème est surtout que ces pertes se concentrent sur certaines zones : le Massif central et le Nord-Est.

Des jachères sacrifiées

Face à cette situation, le ministère français de l’agriculture a décidé d’avancer le paiement des aides PAC au mois d’octobre, d’exonérer les agriculteurs de taxe foncière sur les propriétés non bâties et de retarder le paiement des cotisations de la principale mutuelle agricole, la MSA.

Il a aussi été décidé une mesure assez paradoxale : face à la sécheresse, dont on sait que l’occurrence est favorisée par le changement climatique, le gouvernement français a autorisé à suspendre une mesure destinée à lutter contre le changement climatique : la jachère. Dans le cadre du verdissement de la PAC, les exploitations s’engagent à laisser 15 % de leurs sols en repos chaque année, à partir d’un certain seuil.

La jachère permet aux sols de mieux capter l’eau et le CO2, et donc de limiter les émissions de carbone du secteur agricole. Or le ministère de l’agriculture français a autorisé cet été 33, puis 60 départements à faucher les jachères, afin de les utiliser à des fins de fourrage.

Un monde agricole tendu

Un contexte qui s’annonce délicat pour les négociations de la nouvelle PAC, qui doivent reprendre dès que la nouvelle Commission européenne sera en place. La France est en effet le premier pays agricole de l’UE, et la fragilité des exploitations pèsera nécessairement dans le débat, notamment sur les questions environnementales : déjà à bout de souffle, le secteur agricole n’est pas prêt d’accepter de nouvelles contraintes alors qu’il juge déjà excessives les demandes environnementales de la PAC par rapport à la concurrence internationale exacerbé par la signature d’accords de libre-échange comme le CETA et le Mercosur.

Le ministre de l’agriculture français, Didier Guillaume, a d’ailleurs donné le la en s’opposant catégoriquement cette semaine à l’idée de condamner l’épandage de pesticides autour des maisons sur une surface de 150 mètres, comme l’avait proposé le maire de Langouët en Bretagne, dans un arrêté qui a été suspendu par la justice administrative. La présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, avait accusé le maire de « faire le buzz ». Une zone de non épandage de produits phytosanitaire est bien à l’étude en France, elle entrera en application à partir de 2020, mais ne devrait pas dépasser les 5 mètres.

Aline Robert (Euractiv.fr)