Le marathon des vœux est terminé. Pierre Cuypers a présidé près de quarante céréomonies tout au long de ce mois de janvier ! Les rendez-vous continuent de s’enchaîner sur son agenda, mais le sénateur prend le temps d’écouter attentivement ses interlocuteurs, laissant l’agréable sensation qu’il se consacre entièrement aux sujets qui lui sont soumis.

Prendre le temps de s’informer : c’est ce que Pierre Cuypers a toujours fait en tant que responsable professionnel dans les filières betteraves, oléagineux, protéagineux et biocarburants, et aussi comme ancien président de la FDSEA et de la chambre d’agriculture de Seine-et-Marne. Au Sénat, il s’investit sur les sujets agricoles. Il vient d’ailleurs de présenter un rapport qui appelle le gouvernement à soutenir la filière française des biocarburants.

Des équipes remarquables

La vie est faite de hasards. Le décès de Michel Houel, le 30 novembre 2016, a propulsé Pierre Cuypers du jour au lendemain au palais du Luxembourg. Il lui restait dix mois de mandat. « Ce jour-là, je suis devenu un homme politique. La première chose a été de prendre une étiquette que je n’avais pas en tant que maire de mon village. J’étais un peu perdu au début, mais j’ai été pris en main par les équipes du Sénat : des gens remarquables qui apportent leurs compétences techniques sur tous les dossiers. J’ai très vite été jeté dans le bain en déposant des amendements ou en posant des questions au gouvernement… avec un stress, car je ne savais rien. J’étais le petit arrivant au milieu de mes collègues, qui étaient là depuis cinq ans », raconte-t-il volontiers. Pierre Cuypers a ensuite été réélu le 24 septembre 2017 pour un mandat de six ans.

La vie au Sénat est plus active qu’on ne l’imagine. Pierre Cuypers y est présent du mardi matin au jeudi soir. Quelquefois il faut étudier des textes jusqu’au vendredi ou au samedi. Et il peut y avoir trois ou quatre séances de nuit par semaine. « Hier soir (NDLR, le 28 janvier) j’ai terminé à minuit et demi pour étudier des dizaines d’amendements sur la loi de bioéthique. »

Dans les couloirs du palais du Luxembourg, le sénateur de Seine-et-Marne est aujourd’hui comme un poisson dans l’eau, participant à de multiples commissions et groupes de travail. « J’ai choisi la commission des affaires économiques : c’est là où je me sens le plus à l’aise. En parallèle, je suis membre de la commission des affaires européennes. » À ce titre, il suit tous les dossiers agricoles sur les plans intérieur et européen. Le sénateur est d’ailleurs très inquiet à propos du budget de la future PAC : « La France a un double discours, dénonce-t-il. Elle ne se bat pas autant qu’elle le prétend à Bruxelles pour garder le budget de l’agriculture. Au Sénat, nous sommes très attentifs à cette question. » La Chambre haute compte en effet 5,2 % de sénateurs avec une activité agricole, mais, souligen-t-il, il est « un des rares à être spécialisé en grandes cultures ».

Un quota de 100 tonnes

C’est donc en Seine-et-Marne, à Aubepierre-Ozouer-le-Repos, que Pierre Cuypers s’est installé agriculteur. Quand il reprend une exploitation en 1965, il n’avait pas de betteraves. « À 23 ans, ma première démarche a été d’aller voir l’oncle de Francis Lesaffre pour acheter du quota betteravier. J’étais intimidé. Il m’a cédé 100 t sur son quota personnel. J’ai augmenté mes surfaces de betteraves petit à petit, alors que d’autres préféraient faire du maïs. À l’époque, la betterave nécessitait de la main-d’œuvre. Pour occuper les salariés une partie du temps je me suis lancé dans la pomme de terre lavée que l’allais notamment vendre en sac à Rungis. »

Aujourd’hui, il conduit son exploitation avec son épouse et un salarié. « Je travaille avec des voisins : Jean-Philippe Garnot (NDLR : président de l’AIBS) pour la moisson et un autre voisin pour l’arrachage des betteraves. »

La passion des biocarburants

C’est également le hasard qui a conduit Pierre Cuypers à s’engager dans le syndicalisme agricole. Tout a commencé par un contrat de pois protéagineux avec les établissements Devaux à Orchies, qui le laisse insatisfait. « Je suis allé voir la Fnams (1) pour exposer ma vision des choses et, quelque temps plus tard, le syndicat est venu me chercher pour représenter la filière à Bruxelles. Puis la FDSEA m’a demandé de faire de même. Contrairement à beaucoup de responsables professionnels agricoles, je n’ai pas fait l’école des Jeunes Agriculteurs », regrette-t-il. Plus tard, le président Jean-Claude Sabin lui propose d’intégrer le conseil d’administration de la Fop (2). Il en devient ensuite le vice-président, préside les interprofessions Unip (3) et Onidol (4), puis le conseil spécialisé de FranceAgriMer. Il contribue à bâtir le deuxième plan protéines avec le ministre de l’Agriculture Michel Barnier.

Mais sa grande passion reste les biocarburants. « On m’a confié la promotion et le développement de l’éthanol et de l’ester méthylique de colza au début des années quatre-vingt-dix. On voit bien aujourd’hui que si l’on n’avait ni l’éthanol ni les esters les filières seraient beaucoup plus fragiles. »

En défendant les biocarburants, Pierre Cuypers faisait déjà de la politique : « Faire en sorte de rendre les choses possibles », comme il le dit. C’est pourquoi il incite les jeunes agriculteurs à prendre des responsabilités dans les communes à l’occasion des élections municipales : « Il faut qu’ils prennent le manche. Nous sommes tellement critiqués, aujourd’hui ». Et qui sait, certains feront peut-être de la politique au sens noble du terme.

François-Xavier Duquenne