« La destruction des adventices est plus délicate en situation non labourée » relève Ludovic Bonin, ingénieur chez Arvalis. C’est pourquoi les systèmes qui ne font pas appel au labour et qui réussissent à se passer de glyphosate représentent moins de 20 % des systèmes testés dans le réseau d’expérimentation Dephy. Ces systèmes combinent plusieurs volets : l’implantation de couverts denses dans une interculture longue et la multiplication des interventions mécaniques. Des couverts permanents sont aussi testés dans une céréale ou un colza.

Destruction mécanique des adventices

Les adventices les plus difficiles à détruire en l’absence de glyphosate sont les vivaces et les graminées de l’automne à l’hiver. Pour les graminées, le contrôle devient plus facile en été ou fin de printemps, selon la région. « Sur ces adventices développées en période humide, seul un travail profond – qui mélange intensément les couches de sol – avec un cultivateur aura une efficacité acceptable. Un scalpage avec un outil type Vibro Flex équipé d’ailettes pour déraciner est également envisageable. Il permet un travail pas trop profond (8-10 cm), qui détruira également les adventices », notent les experts d’Arvalis. Au cours de ces passages, il faut veiller à ne pas dessécher le lit de semences, ni matraquer le sol. Par exemple, limiter la création de terre excessivement fine en sol limoneux ou en pente et éviter de créer ou de remonter des mottes. Dans tous les cas, il faut éviter de travailler sur sol humide.

Le problème des vivaces

C’est un problème clé dans les systèmes sans glyphosate : les adventices vivaces (chiendent, liseron chardon, rumex) ont un système racinaire difficile à détruire. Elles ont aussi une forte capacité à se régénérer. Le contrôle mécanique repose sur les passages répétés d’outils en interculture. Cependant, l’efficacité sur les vivaces reste souvent incomplète en système sans labour. Une solution consiste à combiner le travail du sol avec l’implantation de couverts, les fauches, et bien sûr les herbicides disponibles et efficaces. Face au chardon des champs, qui émerge de mars à mai dans une céréale, le créneau d’intervention mécanique se situe dans l’interculture en été. Plusieurs déchaumages profonds, avec des outils à dents, peuvent « casser » le système racinaire, sans l’éliminer totalement. Pour que le déchaumage n’ait pas d’effet inverse, il est conseillé de passer toutes les trois semaines afin de laisser les plantules émerger avant de les recouper, ce qui les affaiblit à la longue. Comme pour les passages répétés en interculture, une implantation de luzerne ou prairie pérenne permet d’envisager des fauches successives sur plusieurs campagnes. Elles vont affaiblir les racines du chardon et sa capacité à se régénérer. Ainsi, une luzerne fauchée deux fois par an sur quatre ans permet de réduire une infestation de chardon. Sur les liserons des champs, la lutte mécanique superficielle risque de fractionner et multiplier les racines… comme pour le chardon. Là aussi, il faut multiplier les passages pour affaiblir les plantes, qui forment sans cesse de nouvelles pousses. Sur chiendent, les passages successifs en interculture d’été sont aussi un moyen de lutte en conditions sèches, après la récolte des céréales. Pour un meilleur résultat, ces passages sont à combiner avec une extirpation des rhizomes de chiendent.

L’apport des couverts permanents

Afin d’étouffer les adventices, les couverts associés à une culture d’hiver sont testés dans les réseaux Dephy, principalement avec le trèfle, la luzerne, le lotier. Ces légumineuses sont implantées quelques mois à plus d’un an avant le semis du blé, par exemple en même temps qu’un précédent colza. Cette couverture du sol nécessite un matériel spécifique pour semer la céréale. Un semoir à semis direct à disques permet le plus souvent de placer correctement les graines de blé. Sinon, il faut prévoir avant de semer un travail très superficiel sur les 5 cm. Plusieurs outils sont alors utilisables : déchaumeur à disques indépendants, herse rotative ou semoir SD à dents, par exemple. Ce passage limite mécaniquement le développement du couvert, sachant que la légumineuse doit être bien implantée pour survivre à cette intervention. Comment désherber le blé semé sous couvert ? Arvalis s’appuie sur plusieurs années d’essais pour conseiller une liste d’herbicides préservant le couvert (Trooper, Fosburi, Mamut…). Ces herbicides doivent être utilisés à des doses conseillées, en particulier sur trèfle blanc. Si la parcelle n’est pas envahie de graminées résistantes, il est également possible d’utiliser en sortie d’hiver des herbicides antigraminées stricts (Fops et Den), qui sont sélectifs de tous les couverts de dicotylédones. Le bilan des couverts permanents, testés par Dephy et plusieurs chambres d’agriculture, nécessite encore du recul. Si les couverts ont une capacité d’étouffement des adventices, ils ne suffisent pas à eux seuls à assurer la propreté de la parcelle.