« Je n’ai jamais vu cela », s’exclame Pascal Amette. Le délégué régional de l’ITB pour la Champagne et l’Yonne doit fouiller dans ses souvenirs et remonter aux années quatre-vingt, avant l’arrivée des néonicotinoïdes, pour trouver de telles infestations. Les pucerons verts ailés et aptères sont arrivés en grand nombre avec 3 semaines d’avance par rapport à une année normale et se sont attaqués aux jeunes betteraves, alors qu’elles n’étaient qu’au stade 2 feuilles. La pullulation a été favorisée par les coups de chaud enregistrés ces derniers jours et les conditions climatiques très douces durant l’hiver passé.

« Nous sommes aujourd’hui au stade 5e feuille naissante, il faut encore tenir au moins 30 jours avant la couverture du sol. Et nous devons déjà faire le deuxième traitement », avertit Pascal Amette. Sachant que la réglementation ne prévoit que 3 traitements maximum (1 Teppeki et 2 Movento), les agriculteurs devront tenir d’ici début juin avec seulement deux traitements.

Aujourd’hui, ils sont à cran. Il faut voir les réactions des planteurs de betteraves sur les réseaux sociaux, car il n’y a pas que l’aspect sanitaire : deux passages de produit coûtent déjà plus de 100 €/ha ! Certains planteurs ont donc opté pour des traitements localisés sur le rang afin de réduire de moitié les quantités de produits utilisés.

Dans beaucoup de régions, le seuil d’intervention T2 (10 % de plantes infestées) est dépassé dans les parcelles du réseau d’observation « Alerte Pucerons ». L’ITB conseille d’aller observer les champs et d’intervenir de nouveau si la première intervention date de plus de 14 jours.

« Il est préférable d’appliquer l’insecticide le matin, en absence de vent et dans un volume d’eau suffisant (120 à 150 litres), tout en respectant les conditions d’emploi, explique Cédric Royer, ingénieur à l’ITB. Nous déconseillons l’utilisation du Karaté K ou du Mavrik jet, car les populations de pucerons verts Myzus persicae sont majoritairement résistantes aux pyréthrinoïdes et aux carbamates. »

L’ITB souligne que les 2 insecticides conseillés ne détruisent pas les pucerons immédiatement après le traitement :

– Pour le produit Teppeki, même si l’arrêt de la nourriture du puceron va se faire en quelques heures il va falloir plusieurs jours pour voir les pucerons mourir.

Le produit Movento agit sur la fertilité et la fécondité des adultes et sur la capacité des aptères à muer. L’efficacité du Movento va prendre quelques jours mais sera d’autant plus rapide que les conditions sont poussantes.

Les auxiliaires arrivent aussi

Il n’y a cependant pas que des mauvaises nouvelles en plaine. Les auxiliaires – les larves de syrphes et de coccinelles – arrivent et pourront prendre le relais des produits phytos. Une larve de coccinelle peut ingurgiter entre 60 et 200 pucerons par jour. D’où l’intérêt d’utiliser des produits qui ne sont pas nocifs pour la faune auxiliaire, comme le Teppeki et le Movento.

Et puis le retour des pluies a enfin fait lever les dernières betteraves et rend les opérations de désherbage plus efficace. Dans les secteurs argileux non irrigués, comme en Île-de-France, dans le Gâtinais ou l’Oise, certaines betteraves atteignent aujourd’hui tout juste le stade cotylédon, alors que d’autres sont au stade 6 feuilles, ce qui ne facilite pas le désherbage quand ces deux stades se retrouvent dans la même parcelle. Les températures estivales et les quelques pluies favorisent certes la betterave mais aussi les adventices.

François-Xavier Duquenne