Willy Schraen l’a eu mauvaise : « Un changement pareil en vingt-quatre heures, je ne suis pas une girouette ! », protestait le président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC). En deux jours, il avait dû donner ordre et contrordre à ses adhérents.

Le 17 mars dans l’après-midi, il décryptait les consignes découlant de l’allocution d’Emmanuel Macron prononcée la veille au journal télévisé. « Nous entrons en phase de confinement. Chacun doit faire preuve de bon sens […]. J’en appelle à votre sens des responsabilités », exhortait alors Willy Schraen dans un communiqué. Puisque les sorties collectives étaient interdites, c’était donc seuls que les chasseurs pouvaient continuer de tirer ou piéger corvidés et sangliers, que les piégeurs pouvaient continuer à piéger et les gardes à garder.

Afin de respecter les consignes gouvernemen­tales, le président conseillait à chaque adhérent de la FNC se rendant sur le terrain pour des « activités liées à la chasse, au nourrissage, au piégeage et au gardiennage» de se munir de l’at­testation de déplacement, obligatoire, ainsi que de son permis de chasse, bien entendu. Les gardes particu­liers auraient coché la case « activité professionnelle » ; les autres « activité physique individuelle».

Amer

Willy Schraen assurait que son texte avait été validé par le ministère de la Transition écologique et solidaire. « Je parlais tous les jours à [la secrétaire d’État] Emmanuelle Wargon de ces sujets», confiait-il. C’était sans comp­ter sur le lobby des associations anti­chasse. Celles-ci font pression sur le ministère qui finit par céder. Et Willy Schraen de publier un second commu­niqué. Il prévient que toutes les acti­vités extérieures liées à la chasse sont désormais bel et bien interdites. Le ton est amer. « Évidemment, même pen­dant une crise majeure comme celle que nous vivons, l’écologie punitive continue son travail politique contre les ruraux et la chasse en général, en faisant le siège du ministère de l’Écologie », écrit-il, dénonçant les « abrutis de l’écologie punitive, de l’antispécisme et des pseu­do-naturalistes.[ … ] Cette période trou­blée réve1era les côtés les plus sombres de l’espèce humaine, mais ne rentrez pas dans la surenchère, nous réglerons tout cela après la crise», conclut-il.

Jusqu’à présent, les chasseurs béné­ficiaient d’un arrêté leur permettant d’agir jusqu’au 31 mars sur les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, de préférence par des tech­niques d’affût et d’approche. Quelle est la situation aujourd’hui? Eh bien c’est simple : toute action de régula­tion ou de chasse étant dorénavant interdite, les sangliers vont en profi­ter. Or c’est précisément le moment où les cultures lèvent …

Dérogations

Alertées par les agriculteurs, des préfectures ont autorisé des dérogations au confinement. Pour l’heure, elles se comptent sur les doigts d’une main et s’accompagnent de conditions strictes.

Dans les Landes, la préfecture a autorisé la chasse aux animaux nuisibles pour les récoltes, tout particulièrement le sanglier, à condition de l’exercer seul et en respectant les gestes barrières. Les battues collectives sont, elles, toujours bannies. Le dépeçage des animaux peut s’effectuer à deux à condition de respecter un mètre de distance entre les deux individus.

Dans l’.Aube, la préfecture a autorisé la reprise de l’agrainage en forêt, une méthode qui permet de fixer le gibier en répandant du grain. Objectif: nourrir les sangliers sur leurs lieux de vie pour éviter qu’ils ne dévastent les terrains agricoles. Même scénario en Côte-d’Or, où l’agrainage doit se pratiquer seul. La FNC confirme de rares déroga­tions à la règle de confinement inter­disant toute activité cynégétique. Elle précise que, lorsque la chasse est exceptionnellement autorisée, les chasseurs doivent se munir de leur permis de chasse, d’une copie de l’arrêté préfectoral ainsi que de leur attestation de déplacement indivi­duelle en cochant la case renvoyant à des missions d’intérêt général.

ÉRIC JOLY