Les équipes des distilleries Dislaub et Goyard peuvent pousser un ouf de soulagement. La fièvre qui s’est emparée des deux fabricants d’alcool, filiales de Cristal Union, durant la crise du coronavirus commence à retomber quelque peu. Il y a quatre mois, les deux sites ont dû bouleverser leur production pour répondre en urgence à l’accroissement de demandes d’alcool surfin et de solutions hydroalcooliques. « Dès que le gouvernement a autorisé un certain nombre de sites à fabriquer du gel et de la solution hydroalcoolique, comme les pharmacies, nous avons décidé de nous lancer », explique Maurice Lombard, président directeur général de Jean Goyard et ancien directeur industriel de Cristal Union.

Une fabrication collégiale

La production a été réalisée de concert avec plusieurs sites du groupe. Les distilleries d’Arcis-sur-Aube (Aube) et de Cristanol à Bazancourt (Marne) ont rapidement pu augmenter leur production d’alcool surfin Biocidal, dans un contexte de réorganisation industrielle. Les installations de la distillerie vinique de Deulep avaient été transférées en novembre à Bazancourt. « Cela nous a permis de disposer de deux lignes séparées, une dédiée à la betterave et l’autre au blé, contre une seule auparavant, et de doubler nos capacités en un temps record », explique Maurice Lombard. Près de 3,5 millions d’euros ont été investis dans la construction de bâtiments pour accueillir la nouvelle ligne de distillation. Une partie de l’alcool produit à Bazancourt a ensuite été acheminée vers Dislaub, située à Buchère (Aube). Cette distillerie est spécialisée dans la production d’alcool agricole et la régénération d’alcools et de solvants, depuis l’arrêt de la distillation de betteraves en 2003. « Nous produisons 430 000 hectolitres d’alcool surfin agricole chaque année à partir des flegmes de Cristanol », explique Hubert Théréné, directeur général de Dislaub. La demande a bondi dès le 16 mars. « Nous avons fait face à une hausse soudaine des commandes avec des salariés en télétravail ou en arrêt maladie. Nous avons dû recruter des intérimaires », explique-t-il. Le site dispose d’un atelier de conditionnement en bidons et de petites citernes allant de 5 à 1 000 litres. Habituellement, 10 000 hectolitres d’alcool surfin Biocidal sont conditionnés par mois. L’atelier est passé d’une seule équipe à deux, puis à trois en quelques jours pour un fonctionnement en 3 x 8. La production a pu doubler puis tripler dès le mois d’avril, dépassant les 33 000 hectolitres de surfin conditionnés.

Des niveaux de production inédits

Face à l’urgence, la distillerie Jean Goyard située à Aÿ (Marne) a été appelée à la rescousse. Connue pour son ratafia, ses marcs de champagne et fines champenoises commercialisés sous sa propre marque, elle a aussi participé à l’effort. Elle a conditionné de petites quantités d’alcool surfin Biocidal en cinq litres à destination des professionnels de santé et produit des solutions hydroalcooliques. Ces dernières ont été réalisées à partir d’alcool surfin produit par le groupe et d’un mélange avec de la glycérine fourni par le site de recherches ARD situé à Pomacle (Marne). Les solutions hydroalcooliques ont pu être commercialisées dans les premiers jours du confinement, aux adhérents, à prix coûtant, ainsi qu’aux coopératives et partenaires du groupe qui en faisaient la demande.

Cette réorientation depuis le début de la crise du coronavirus a permis de compenser les pertes d’activité sur le bioéthanol carburant durant le confinement. « Jusqu’à présent, la production d’alcool surfin Biocidal représentait moins de 2 % des ventes d’alcool totales du groupe. Elle est passée à 10 % en mars, à 25 % en avril, à 33 % en mai, puis à 25 % en juin, avant de se stabiliser entre 15 et 20 % », détaille Cristal Union. Pour le groupe, ce niveau est historique. « Même au moment de la grippe H1N1, ces niveaux n’avaient jamais été atteints, restant autour de 10 % », estime-t-on. « Grâce aux investissements faits et aux équipements que l’on a choisi de garder sur notre territoire, nous avons pu répondre très vite aux commandes », se félicite Maurice Lombard. Une nouvelle activité commerciale pour le groupe qui risque bien de perdurer quelque temps.