Si votre tracteur ou votre pulvérisateur chausse des pneus Michelin, il y a de fortes chances pour que ceux-ci proviennent de l’usine installée depuis 1963 dans la zone industrielle de La Chapelle-Saint-Luc, dans le département de l’Aube. C’est l’une des trois usines du groupe à fabriquer des pneumatiques agraires en Europe, avec Olsztyn en Pologne et Valladolid en Espagne. Chacune avec sa spécialité : les petits pneus pour la Pologne, les très gros pour l’Espagne, et les pneus intermédiaires pour la France. Les dimensions de ces derniers s’échelonnent de 16 à 54 pouces, dans une gamme de 150 dimensions différentes, pour un poids allant de 40 à 350 kg. Ces derniers sont plus particulièrement destinés aux tracteurs dont la puissance dépasse 150 chevaux.

Avec sa surface de 38 ha (l’équivalent de 52 terrains de football), dont quatorze couverts, l’usine chapelaine est un mastodonte industriel qui emploie environ 900 personnes, intérimaires compris, ce qui en fait l’employeur privé le plus important du département. C’est aussi le troisième plus gros établissement du groupe en France sur dix-huit. Le marché du pneu agricole étant très cyclique, avec des hauts et des bas tous les deux ou trois ans, l’effectif de l’usine tend à fluctuer. Plusieurs facteurs peuvent faire varier le niveau d’activité : la météo, le cours des céréales, les crises économiques, les décisions politiques…

Fabrication manuelle

La production reste en grande partie manuelle, notamment lors de l’étape la plus délicate, celle de la confection du pneu. On peut donc encore parler à bon droit de manufacture. Les pneus sont fabriqués à l’unité, et pas en série comme on pourrait l’imaginer – avec tout ce que cela supposerait en termes d’automatisation et de robotisation.

Les pneumatiques franchissent cependant plusieurs étapes au cours d’une chaîne de fabrication bien huilée. En amont du processus, il y a la préparation des mélanges, c’est-à-dire la fabrication de la gomme, à base de caoutchouc naturel ou synthétique, dans lesquels peuvent être incorporés jusqu’à 250 ingrédients différents. Ceux-ci sont pesés un par un afin d’adapter la recette à chaque produit. Puis on réalise les différentes bandes qui seront posées et assemblées dans la partie boudinage : bandes tissées, bandes de roulement, flancs, extérieurs… Celles-ci sont collées l’une contre l’autre par épaisseurs successives autour d’un rouleau en rotation, en commençant bien sûr par l’intérieur du pneu. L’opérateur est guidé par des lasers pour que tout soit assemblé au dixième de millimètre près. L’enveloppe ainsi obtenue est alors envoyée à la cuisson dans un moule qui lui donnera sa forme définitive. Avant d’être stocké, chaque pneu subit un contrôle visuel minutieux. L’outil de production comprend sept lignes et 69 presses. Michelin investit régulièrement pour améliorer la productivité. Il développe depuis quelque temps un partenariat avec l’université de technologie de Troyes (UTT) afin d’optimiser la chaîne de production à l’aide d’algorithmes.

1 000 pneus par jour

L’usine de La Chapelle-Saint-Luc fabrique mille pneus par jour, 300 000 par an. Elle produit 41 000 tonnes de mélange, dont 80 % pour son usage propre, le reste pour d’autres sites Michelin. Soixante pour cent de la production sont destinés à la première monte, 40 % au remplacement. Les pneus sont de marque Michelin à 75 % et de marque Kleber à 25 %. On notera au passage que l’usine auboise a porté le nom de Kleber jusqu’en 2011, et qu’elle se consacre exclusivement à la production de pneus agricoles depuis 2001 après avoir cessé celle de pneus de tourisme.

Bien que la R&D soit réalisée au siège de l’entreprise, à Clermont-Ferrand, l’usine auboise dispose d’une petite unité sur place pour adapter la méthode de fabrication au site. La Chapelle-Saint-Luc fait par ailleurs office de plate-forme logistique pour les trois usines de fabrication de pneus agraires. Elle stocke 40 000 pneus, dans 400 références différentes. Ceux-ci sont acheminés chez les constructeurs (en première monte pour le machinisme agricole) et dans les magasins généraux (pour le marché du pneu de remplacement), partout dans le monde, ainsi que chez les revendeurs situés en France, au Benelux et en Suisse. Les expéditions se font à 70 % vers Europe (de l’Atlantique à l’Oural, Turquie comprise), à 20 % vers les États-Unis (pneus de grande dimension), le reste à destination de l’Amérique du Sud et de l’Asie.