En ce mois de septembre caniculaire, l’activité bat son plein sur l’exploitation de l’EARL de Gaffier, à Puymirol (Lot-et-Garonne). Après un été chaud et sec, Aurélie Barada s’apprête à récolter une plante singulière dans le paysage agricole français, la stévia. « Cet édulcorant naturel est originaire du Paraguay, elle est bien adaptée à notre climat du Sud-Ouest », estime l’agricultrice, devant des représentants de l’Association française des journalistes de l’agriculture et de l’alimentation (Afja). Aurélie Barada est présidente de l’association SweetVia, qui rassemble une dizaine de producteurs du Lot-et-Garonne, du Gers et des Pyrénées-Atlantiques, cultivant 15 hectares de stévia au total. Une goutte d’eau par rapport aux 30 000 hectares plantés en Chine, numéro un mondial, mais qui en fait la première zone de production en France.

Deux récoltes par an

Pour Aurélie Barada, l’aventure avec la stévia commence en 2017. Habituée à produire des céréales ainsi que des fruits et légumes sur son exploitation bio de 66 hectares, elle rencontre Philippe Boutié, le fondateur et gérant d’Oviatis. Cette start-up de cinq personnes, basée à l’Agropole d’Estillac près d’Agen (Lot-et-Garonne), veut transformer et commercialiser des extraits de stévia cultivée en agriculture biologique. L’exploitante est séduite par cette plante semi-pérenne (sur cinq ans en moyenne), qui assure deux récoltes par an (en juillet et en septembre), mais aussi par les débouchés proposés par Oviatis. « Nous avons essuyé un peu les plâtres au début », se rappelle-t-elle. Les connaissances concernant la conduite culturale à suivre en France et les variétés les mieux adaptées au Sud-Ouest sont alors très limitées.

Oviatis s’est rapprochée de l’Inrae de Bordeaux pour pouvoir accompagner les agriculteurs, notamment sur l’identification des bioagresseurs, la consommation en eau… « La stévia demande beaucoup de main-d’œuvre, en particulier pour le désherbage, avec une grande partie manuelle au printemps », explique la cultivatrice. La plante consomme également un peu d’eau, mais « quatre à cinq fois moins que le maïs et trois fois moins que la betterave », insiste Cécile Hastoy, responsable R&D d’Oviatis. Elle est irriguée par aspersion. « On ne pourrait pas cultiver autrement sinon », souligne Aurélie Barada.

300 fois le pouvoir sucrant du saccharose

En matière de maladies, la septoriose et un champignon tellurique peuvent s’attaquer à cette nouvelle culture. Du côté des prédateurs, les limaces grises et les vers gris (noctuelles) s’en prennent, eux, aux feuilles de stévia, tout comme les sangliers ! Mais en dehors de cela, la conduite culturale est plutôt simple et rémunératrice. Avec une main-d’œuvre salariale rémunérée 20 €/h, Aurélie Barada estime dégager 10 000 € par hectare, soit la deuxième marge la plus élevée de son exploitation, après les pommes. « En moyenne sur cinq ans, deux tonnes de matière sèche sont récoltées annuellement par hectare, soit 200 kg de glycoside de stéviol. Cela représente 300 fois le pouvoir sucrant du saccharose », affirme Philippe Boutié.

Une fois récoltées avec une effeuilleuse, les feuilles de cette plante édulcorante sont séchées, puis purifiées par un process industriel conçu par Oviatis. De là sont fabriquées et commercialisées de la poudre de stévia sous la marque Biovia pour les magasins bio et des infusions pour les industriels. « La demande est là. Nous attendons que la réglementation évolue pour nous permettre d’extraire directement les molécules sucrantes », indique Philippe Boutié, qui vise 8 à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires avant dix ans. Les surfaces devront suivre. L’objectif est d’atteindre une trentaine d’hectares en 2021 et, à terme, 300 hectares en 2030.