« Le compte n’y est pas », estime l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT). Après avoir promis 10 millions d’euros d’aides à la filière en juin pour lui permettre de faire face aux conséquences de la crise sanitaire, le ministère de l’Agriculture a finalement annoncé début novembre un versement de 4 millions d’euros. Cette aide ne concerne que les producteurs hors contrat, pour compenser les volumes perdus de pommes de terre non transformées au printemps, suite à la fermeture de la restauration hors domicile. Mais rien pour les industriels. D’autres crédits devraient s’ajouter à ces 4 M€, promet le ministère, via le plan de relance ou un autre dispositif, qui évoque des aides structurelles notamment pour la modernisation des bâtiments de stockage.

« Le ministère doit respecter ses engagements », insiste Geoffroy d’Evry, le nouveau président de l’UNPT, nommé en juin dernier. « Nous demandons que ces 6 M€ soient sanctuarisés et ne soient pas intégrés au plan de relance ». L’UNPT estime que ce dernier pourrait concerner la mise aux normes des bâtiments faisant suite à l’arrêt du CIPC. Ne pouvant pas aider directement les industriels pour cause de distorsion de concurrence avec l’Europe, le ministère étudierait, selon nos sources, des aides pour les producteurs sous contrat.

Craintes de répercussions

« Si les industriels ne sont pas soutenus, le risque est d’avoir un impact sur les contractualisations avec les producteurs », craint Bertrand Achte, le président de la commission transformation à l’UNPT. Ils pourraient être tentés de récupérer, au travers des producteurs, l’aide qu’ils n’auront pas touchée ». Pour l’UNPT, cela pourrait mettre à mal le travail réalisé dans le cadre de la loi Egalim, qui a permis une contractualisation de près de 80 %, contre 50 % chez nos voisins européens.

Les difficultés de la filière ne sont pas encore terminées. « Avec ce second confinement, nous craignons de revivre ce que nous avons connu au printemps : un retour de volumes de pommes de terre sur les marchés qui ne trouvent plus preneur auprès de l’industrie et la nécessité d’organiser des dégagements vers l’alimentation animale et la méthanisation ».

Le Groupement interprofessionnel pour la valorisation de la pomme de terre (GIPT) réclame d’ailleurs à la Commission européenne de pouvoir réactiver la dérogation aux règles de concurrence de l’Union européenne, prévues à l’article 222 du règlement de l’Organisation commune des marchés (OCM unique). Elle avait été annoncée le 22 avril pour une durée de six mois, permettant au secteur d’organiser le stockage des invendus par des opérateurs privés et leur transfert vers d’autres débouchés.

En attendant, le message de l’UNPT est clair pour 2021 : « maîtrisons nos surfaces », martèle Geoffroy d’Evry. « Il vaut mieux anticiper que de subir le marché. Ce n’est pas parce qu’on va baisser nos surfaces que nos voisins vont les augmenter », rassure-t-il.