Louis Bricout arpente un champ de betteraves parsemé de ronds jaunes. « La parcelle est propre, le suivi cultural est correct, mais il y a 35 % de betteraves atteintes par la jaunisse », lâche-t-il après un tour d’horizon de la parcelle et le prélèvement de quelques feuilles.

Estimer des pertes dues à la sécheresse est assez facile, mais quand il faut faire la part des choses entre sécheresse et jaunisse, cela devient plus compliqué. Mais Louis Bricout peut s’appuyer sur l’expertise de l’ITB pour connaître le taux de perte, suite à une attaque de jaunisse.

Comme beaucoup de ses confrères experts en assurance, Louis Bricout est d’abord agriculteur. Il livre notamment 25 ha de betteraves à la sucrerie de Chevrières (groupe Tereos). Cet agriculteur a débuté son activité d’expertise alors qu’il employait un chauffeur à plein temps. Depuis qu’il travaille seul sur l’exploitation, il a un peu levé le pied, mais il compte bien intensifier le rythme de ses missions l’année prochaine, quand il prendra sa retraite d’exploitant agricole. « J’ai découvert ce métier grâce au père d’un ami et je me suis enregistré auprès de plusieurs compagnies, l’une d’elles m’a appelé et j’ai passé un entretien. Les premières expertises ont été réalisées en binôme avec un expert confirmé », se souvient-il.

Travail avec l’ITB

Louis Bricout intervient suite à des aléas climatiques, essentiellement des dégâts de grêle. L’expert se rend sur place avec l’agent d’assurance. « Nous allons sur le terrain avec l’agriculteur sinistré pour évaluer les pertes. Le but de mon expertise est d’être le plus proche possible de la vérité ».

Cette année, la jaunisse est venue perturber l’expertise, car l’assurance multirisques climatiques ne couvre pas les aléas sanitaires. « Dès le mois de juin, je me suis rapproché de l’ITB, car nous n’avions aucune référence sur cette maladie. La compagnie d’assurance a réuni les chefs de région avec l’ITB de l’Oise; nous sommes allés sur le terrain pour pouvoir évaluer le taux d’infestation et le taux de perte moyen de betteraves malades. Pour le taux de perte, nous nous basons sur l’expertise de l’ITB. Sans le délégué régional Philippe Delefosse, nous aurions eu plus de mal à les évaluer », admet Louis Bricout.

Durant les mois de septembre et d’octobre, les experts ont été beaucoup sollicités pour faire la part des choses entre les attaques de jaunisse et la sécheresse qui est assurée par la multirisques climatiques.

L’expert est indépendant de l’assureur

Pour des dégâts de sécheresse sur betteraves, les parcelles ont été visitées entre juin et août, puis revues avant la récolte. Une fois le constat dressé, c’est à la compagnie de faire le calcul des indemnités. L’expert qui apprécie la perte de récolte est en effet indépendant de l’assureur. « Mon rôle est d’être impartial et le plus juste possible ». Certains experts ont mesuré le diamètre du collet ou ont fait des pesées en comparant des betteraves malades et des betteraves saines, mais cette méthode ne donnait que la différence du poids racine et non le ratio exact de la perte de sucre hectare. « L’évaluation de l’ITB englobe aussi la perte de richesse », explique Louis Bricout.

Son travail consiste uniquement à évaluer les pertes de la parcelle. Il signe le procès-verbal avec l’agriculteur : c’est ce qui fait foi pour l’assurance. La compagnie calcule ensuite la perte due à la sécheresse en partant du rendement de référence (qui est souvent la moyenne olympique) duquel elle retranche la perte occasionnée par la jaunisse et le rendement effectif donné par le bordereau de la sucrerie.

L’expert est payé à la mission. « C’est une petite activité pour moi aujourd’hui et cela sera un complément de revenu pour ma retraite l’année prochaine. Je compte recommencer comme lors de mes premières années où je partais plusieurs jours pour faire des expertises dans d’autres départements. On voit du pays et du monde. C’est ce que j’aime…»

Selon Louis Bricout, cette double activité lui permet de voir d’autres agriculteurs et de découvrir des productions qu’il ne connaît pas. Et puis, ce métier requiert de la psychologie : « les agriculteurs que je visite ont souvent subi un traumatisme ». Et d’avouer : « dans le nord de l’Oise, je n’ai pas eu à gérer des taux d’attaques de jaunisse aussi fortes que dans le Loiret. Là-bas, c’est une catastrophe ».