Malgré les craintes soulevées depuis deux ans, le budget de la PAC devrait connaître une relative stabilité de son budget. La France pourra compter sur un total d’environ 9 milliards d’euros, dont 7 milliards pour le premier pilier (soutien direct) et 2 milliards pour le deuxième pilier (développement rural durable). Si le budget de la PAC a été maintenu, les enjeux résident maintenant dans la déclinaison et la répartition des enveloppes.

Les trilogues sont en cours : le Conseil européen (les États membres), le Parlement européen et la Commission européenne discutent pour valider le texte final qui devrait sortir au premier semestre de cette année. Mais la nouvelle PAC ne devrait être mise en œuvre qu’en janvier 2023.

En parallèle des négociations européennes, le gouvernement français prépare son Plan Stratégie National (PSN). Avec le Conseil supérieur d’orientation (CSO) élargi du 15 janvier dernier, le ministre de l’Agriculture a lancé formellement les concertations pour l’élaboration du PSN. L’objectif est d’aboutir à une version en juin prochain. Julien Denormandie a débuté un tour de table avec la profession agricole, mais aussi avec toutes les autres parties prenantes (ONG, régions…) pour élaborer les priorités françaises.

Le PSN français arbitrera notamment les curseurs et les niveaux des paiements de base, les paiements couplés, les règles du paiement redistributif, l’indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), les mesures éligibles dans le deuxième pilier comme les systèmes assurantiels ou encore l’enveloppe pour les éco-régimes (ou ecoschemes en anglais).

La FNSEA s’est également positionnée le 8 janvier, après d’intenses discussions entre les différentes filières. Les organisations professionnelles de grandes cultures ont plaidé pour un rééquilibrage des soutiens entre secteurs et régions, l’accessibilité aux éco-régimes pour tous et la limitation du paiement redistributif.

Voici sept points sur lesquels les betteraviers devront être attentifs, afin qu’ils ne soient pas les grands perdants comme lors de la dernière réforme de la PAC, avec des aides moyennes qui sont passées de 409 €/ha en 2009 à 273 €/ha en 2018 (voir graphique).

1 – Les éco-régimes pour tous

La principale évolution par rapport à la PAC actuelle est l’augmentation des exigences environnementales. Cela va plus particulièrement se traduire par la création des éco-régimes qui pourraient représenter entre 20 et 30 % des aides directes (voir BF du 3 novembre 2020). L’arbitrage se fera dans le cadre des trilogues. Bien que facultatifs pour les agriculteurs, ces éco-régimes pourront peser environ 80 à 100 € de l’hectare, selon la FNSEA. Parmi les actions proposées par le syndicat majoritaire, on pourrait y trouver la certification environnementale de niveau 2 ou la valorisation des bilans carbone des grandes cultures. La CGB souhaite des dispositifs accessibles à tous qui valorisent les bonnes pratiques existantes en soutenant le développement de l’agriculture de précision.

2 – Attention aux mesures de rotation contraignantes

Les aides du premier pilier pourraient être conditionnées par des mesures plus strictes (BCAE 8) concernant la diversité des assolements au sein de la rotation, quel que soit le nombre de culture dans l’exploitation. Cette nouvelle exigence de rotation à la parcelle n’est pas négligeable : une enquête de l’AGPB montre que la moitié des assolements d’aujourd’hui seraient non conformes, avec une succession de deux cultures sur une même parcelle comme le “blé sur blé“. L’AGPM a chiffré l’impact de l’interdiction de deux cultures d’une année sur l’autre à 600 M€. De son côté, la CGB défend une diversité des cultures plutôt qu’une rotation à l’échelle de la parcelle. « Il ne faut pas perdre de souplesse dans la gestion des rotations, insiste Franck Sander, président de la CGB. Quand on évoque trois ou quatre cultures obligatoires à la parcelle, cela veut dire qu’une culture ne pourra pas faire plus de 25 % de la surface l’exploitation ! »

3 – Saisir l’opportunité des Programmes opérationnels

La réforme de la PAC ouvre la possibilité aux Etats-membres de consacrer une partie de l’enveloppe des aides couplées du premier pilier aux Programmes opérationnels en les ouvrant à de nouvelles filières, dont la betterave.

Actuellement réservés à certains secteurs (viticulture, fruits et légumes, olive, apiculture et houblon), les programmes opérationnels consistent à construire des stratégies de filière de l’amont à l’aval et à des financements d’actions collectives (recherche et innovation, investissements matériels ou promotion des produits).

Dans le secteur des légumes transformés, les Programmes opérationnels cofinancés à 50 % par des aides européennes sont accessibles aux Organisations de Producteurs (OP) reconnues. L’OP peut acheter du matériel agricole, par exemple pour le désherbage mécanique ou la récolte.

Dans la prochaine PAC, le secteur betteravier pourrait y accéder. « Les Programmes opérationnels sont là pour aider notre filière à se structurer, explique Franck Sander. La difficulté est que ces programmes ne sont accessibles qu’aux OP reconnues, avec une règle qui s’impose aux agriculteurs quant à l’appartenance à une seule OP. La CGB souhaite que cette contrainte soit assouplie soit en permettant que ces programmes soient accessibles aux interprofessions soit en assouplissant la règle de l’appartenance unique ».

4 – Etablir une progressivité de la convergence des aides découplées

La poursuite et le rythme du processus de convergence des aides découplées (DPB) sont un sujet de discussion délicat entre les différentes filières et les régions. Les organisations professionnelles de grandes cultures ont plaidé pour un rééquilibrage des soutiens entre secteurs et régions. Les associations environnementales, la Fnab (agriculteurs bio) et la confédération paysanne veulent au contraire accélérer la convergence des aides pour que tous les hectares touchent le même montant d’aide. La question du taux de transfert des aides du premier vers le deuxième pilier, qui est actuellement de 7,5 % est en discussion. La FNSEA a tranché pour un statu quo, mais certains veulent au contraire renforcer le second pilier de la PAC.

5 – Financer des outils de gestion des risques

Face aux sinistres économiques, climatiques et sanitaires rencontrés par le secteur betteravier ces dernières années, la CGB plaide pour une politique de gestion des risques plus ambitieuse. Actuellement seulement 30 % des grandes cultures sont couverts par l’ assurance récolte . Pour Franck Sander, « il est primordial de réduire le seuil de déclenchement de l’assurance multirisques climatiques (MRC) à 20 % et de porter l’ambition d’un Instrument de Stabilisation des Revenus (ISR) pour notre filière betteravière qui permettrait d’apporter des réponses aux risques économiques, voire sanitaire auxquelles sont désormais soumis notre culture ».

6 – Améliorer la gestion des marchés dans l’OCM unique

Depuis la fin des quotas, la betterave est dans l’OCM unique. La CGB défend les amendements du Parlement européen sur la gestion des marchés pour le secteur du sucre.

Le Parlement propose d’inclure le sucre dans l’intervention publique (rachat de produit, stockage et revente) dans le cas d’une campagne très abondante. La CGB soutient aussi l’obligation de réaction de la Commission européenne sous 30 jours si le sucre descend au-dessous du prix de référence de 404 €/t. Il reste à convaincre la Commission et le Conseil des ministres qu’il ne faut pas abandonner le secteur sucre après l’avoir été brutalement plongé dans la libéralisation du marché en 2017.

7 – Attention à garder une ambition productive à la PAC

La réforme de la PAC risque de se télescoper avec les stratégies du Green Deal (Biodiversité, Farm to Fork). Pour l’agriculture, cette politique prévoit d’ici 2030, une baisse de 50 % de pesticides, de 20 % d’engrais, 25 % d’exploitations Bio et 10 % des surfaces “non productives“. Des objectifs qui conduiraient à une baisse de 20 % de la production selon le ministère amécian de l’Agriculture (USDA). Selon la CGB, la PAC doit soutenir ses agricultures dans les transitions et s’accompagner d’une politique commerciale et douanière qui préserve la souveraineté alimentaire de l’Europe.