Le destin de certains lots de pommes de terre se joue en partie dans des bureaux et un laboratoire installés au Technopole de l’Aube en Champagne, à Troyes. C’est là qu’Eurocelp a développé un process permettant de contrôler la qualité des tubercules avant leur commercialisation. Une solution différente du tri optique en vigueur chez les industriels et qui intéresse de nombreux professionnels de la filière : les sélectionneurs de variétés et les producteurs de plants aussi bien que les conditionneurs et les exportateurs, sans oublier les agriculteurs eux-mêmes. L’idée est « d’introduire des normes objectives dans la relation acheteur-vendeur, au lieu de la subjectivité qui prévaut lors des litiges sur la qualité, surtout les années difficiles », résume le fondateur et gérant d’Eurocelp, Luc Deroulers. Cet ingénieur ISA se revendique ainsi « tiers de confiance ».

Concrètement, un échantillon est prélevé sur un lot correspondant à une variété de pommes de terre et à une parcelle. Cet échantillon est enregistré, pesé, photographié et lavé. Puis il passe devant une caméra qui détecte ses défauts extérieurs (verdissement, difformité ou endommagement) tout comme ses maladies superficielles (gale commune, gale argentée et rhizoctone brun). Cette caméra constitue le point névralgique du système. Nourrie avec des algorithmes de plus en plus sophistiqués, elle a fait l’expérience du deep learning, ingurgitant quelque 10 000 images pour devenir aussi performante que l’œil humain. Du reste, 6 des 11 employés du laboratoire sont des informaticiens, et une doctorante de l’Université de technologie de Troyes a été recrutée à cet effet. C’est pourquoi le process ne cesse de s’améliorer. Prochaine étape : détecter les crevasses provenant d’un défaut variétal ou d’un stress pendant la production, séparément des autres dommages. Après être passé sous l’œil de la caméra, l’échantillon est de nouveau pesé et photographié avant d’arriver à la partie manuelle : l’épluchage et le découpage pour l’analyse des défauts internes. « Il nous reste à automatiser cette étape pour pouvoir intéresser les fabricants de frites et de chips », souligne Luc Deroulers. Le client n’a plus ensuite qu’à consulter le rapport mis en ligne sur le site de l’entreprise. Eurocelp contrôle ainsi entre 1 000 et 1 500 échantillons par an à son siège, ce qui représente environ 25 t de pommes de terre.

Aide à la décision

Mais cela ne représente qu’une petite partie de l’activité, car le business model de la start-up troyenne repose sur la conception, l’assemblage, l’installation et la maintenance de laboratoires directement chez le client. Un marché de niche que Luc Deroulers estime à 50 unités en France et 300 en Europe. Mais l’ancien négociant à l’export est le seul sur ce créneau, avec un matériel qu’il voit aussi comme un « outil d’aide à la décision pour les producteurs » (profondeur de plantation, méthode d’arrachage, application de produits phytosanitaires, etc.) et qui, de ce fait, « participe à la baisse des pertes de production ».