Quel a été le niveau des attaques de jaunisse au Royaume-Uni ?

On estime que 38 % des plants de betteraves ont été infectés par le virus de la jaunisse en 2020, tandis que plus de 99 % des champs présentaient au moins une infection par le virus. Et cela malgré quatre pulvérisations d’aphicides foliaires. Résultat : le rendement moyen est de 55 t/ha, soit 27 % en dessous de la moyenne quinquennale (75 t/ha). Ce résultat est très frustrant pour les planteurs.

Comment avez-vous négocié le retour des néonicotinoïdes ?

Nous avons mis au point, en collaboration avec l’institut technique BBRO et British Sugar, une demande d’autorisation d’urgence comprenant un certain nombre de mesures d’atténuation. En particulier, nous avons la seule autorisation de néonicotinoïdes en Europe (à notre connaissance) qui dépend des conditions météorologiques hivernales, ce qui signifie que bien que l’autorisation d’urgence ait été accordée, les traitements néonicotinoïdes ne sont utilisés que s’ils sont jugés nécessaires. En outre, seules les céréales peuvent être semées pendant les 22 mois suivants, et le colza n’est pas permis pendant 32 mois. Je sais que cette autorisation est jugée trop restrictive par certains producteurs, mais on ne nous aurait pas accordé l’utilisation des NNI sans ces restrictions.

Alors pourquoi les planteurs britanniques ne peuvent-ils pas utiliser des semences traitées cette année ?

L’utilisation des néonicotinoïdes a été soumise aux résultats d’une prévision de risque de jaunisse réalisé par le centre de recherche de Rothamsted, en utilisant un modèle qui existe depuis près de 60 ans. Les traitements aux NNI auraient été autorisés si cette prévision avait indiqué que plus de 9 % de la récolte britannique risquait d’être infectée par le virus de la jaunisse en 2021. Mais en raison de l’hiver plus froid que l’année dernière, il a prédit un chiffre inférieur à celui-ci. Nous n’aurons donc pas de traitements aux néonicotinoïdes en 2021.

Comment allez-vous faire ?

Les prévisions du centre Rothamsted prévoient l’arrivée des pucerons 6 à 8 semaines plus tard qu’en 2020, ce qui signifie que les plants de betteraves devraient être plus robustes. Cela améliorera probablement la résistance des plantes, et de nombreux agriculteurs voudront semer les graines à temps pour s’assurer que les betteraves aient dépassé le stade le plus vulnérable avant que les pucerons n’arrivent.

Le Tepekki est autorisé pour une pulvérisation, et nous avons actuellement des demandes d’autorisation d’urgence de pulvérisations foliaires d’Insyst et de Movento, une fois de plus cette année. Cela permettra à nouveau jusqu’à quatre pulvérisations, si celles-ci sont approuvées. Néanmoins, la lutte contre les pucerons par pulvérisation ne sera pas aussi efficace que l’auraient été les traitements de semences, tandis que l’impact sur les insectes bénéfiques sera plus important.

Combien d’hectares allez-vous alors semer ?

Nous pensons que la récolte britannique pourrait baisser de 10 à 15 %, à en juger par les ventes de semences. Dans ma ferme, j’ai réduit ma superficie de betteraves car je n’ai renouvelé aucun tonnage annuel avec British Sugar. Je ne fournirai que les tonnes pluriannuelles engagées. Dans mon cas, j’ai remplacé ces betteraves par de l’orge de printemps en raison de son prix attractif.

Quel est le moral des betteraviers ?

Ils sont résignés ; c’est une culture très risquée qui n’offre aucune récompense, aggravée par deux hivers humides et par une attitude arrogante du fabricant British Sugar.

Les producteurs sont extrêmement frustrés que British Sugar débute et termine les campagnes de plus en plus tard, dans l’unique souci d’obtenir le tonnage maximum. Résultat : après plusieurs années de récoltes humides sur des terres qui auraient dû être récoltées en septembre, de nombreux producteurs abandonnent la culture de la betterave. C’est un problème que British Sugar a refusé de résoudre jusqu’à présent, mais il devra y faire face vu la réduction substantielle des surfaces ensemencées en 2021.

Combien les betteraves sont-elles payées ?

Les prix de la betterave au Royaume-Uni sont actuellement de 21,18 £ /t (24,66 €) pour le contrat de 3 ans et de 20,30 £/t (23,63 €) pour les contrats annuels, pulpe comprise, avec une tare collet nulle et à 16°S de sucre. Le barème du sucre a été récemment révisé, ce qui signifie que les producteurs reçoivent des bonus moins élevés pour les teneurs en sucre supérieures à 16°S et des pénalités moins élevées pour les teneurs en sucre inférieures à 16°S.

Est-ce rentable pour les producteurs ?

À la lumière des risques potentiels de rendement auxquels les producteurs sont maintenant confrontés, combinés aux impacts sur les rendements des cultures suivantes en raison de campagnes de plus en plus tardives au Royaume-Uni, la betterave n’est plus suffisamment rentable pour de nombreux producteurs. En outre, les prix des céréales se sont améliorés, rendant les cultures alternatives plus attrayantes pour les producteurs, tandis que les nouveaux programmes “Countryside Stewardship“, dans le cadre de la politique agricole du Royaume-Uni, offrent également aux producteurs des aides attrayantes en utilisant leurs terres moins productives pour fournir des biens environnementaux, par exemple cultiver des mélanges de fleurs sauvages.

Quels sont les bénéfices et les risques du Brexit pour les betteraviers ?

C’est une question très large ! En bref, nous pensons que la future politique commerciale du Royaume-Uni, y compris le nouveau contingent d’importation en franchise de droits de 260 000 t pour le sucre brut, présente des risques importants pour les producteurs de betteraves, car ils devront concurrencer les producteurs du monde entier capables d’utiliser des produits et des technologies interdites au Royaume-Uni.

En revanche, la possibilité du Royaume-Uni de s’affranchir de la réglementation européenne dans des domaines tels que l’édition des gènes nous offre des opportunités significatives de stimuler l’innovation pour nos variétés de betterave.

La nouvelle politique agricole britannique aura également un impact majeur, à la fois positif et négatif, sur les producteurs de betteraves britanniques, car elle vise à supprimer complètement les paiements directs dans un délai de 7 ans, ce qui signifie que tous les financements disponibles pour les producteurs dépendront de l’adoption de nouvelles mesures environnementales.

« British Sugar n’a pas encore pris conscience de la réalité »

Quelles sont les relations avec British Sugar ?

Depuis 1936, l’industrie sucrière du Royaume-Uni est sous le contrôle d’une seule entreprise qui a nationalisé 13 entreprises privées. Cette société a été entièrement privatisée dans les années quatre-vingt, mais conserve le contrôle exclusif de la production de sucre du Royaume-Uni. Cela signifie que, depuis 85 ans, il s’agit d’un monopsone qui, avec le marché géré par l’Union européenne jusqu’en 2017, a favorisé une culture empreinte d’arrogance et de domination vis-à-vis des producteurs et des clients. Nous continuons d’agir au nom de tous nos producteurs dans des circonstances tendues et difficiles.

Est-il difficile pour la NFU de négocier quand il n’y a qu’un seul sucrier ?

Oui. En fin de compte, il n’y a pas d’autre acheteur de betteraves. Bien que nous cherchions à obtenir une valorisation équilibrée et durable pour les producteurs, depuis la fin du régime sucrier, British Sugar n’a pas été disposée à payer plus, privilégiant une vision à court terme. Nous pensons que cela va nuire à toute la filière – le sucrier et les producteurs – à long terme. Ayant été habitué aux files d’attente de producteurs souhaitant cultiver de la betterave à sucre au prix minimum légal, British Sugar n’a pas encore pris conscience de la réalité selon laquelle, bien qu’il n’y ait pas de légalisation qui les oblige à payer aux producteurs un certain prix, les producteurs ne cultiveront pas de betterave si l’équilibre entre le risque et les retours est insuffisant.

Pourquoi êtes-vous mécontent du “Beet Package Plus“ de British Sugar ?

Bien que nous nous félicitions de tout soutien supplémentaire de British Sugar, nous ne pensons pas que le Beet Package Plus, annoncé en février, soit suffisant pour restaurer la confiance des producteurs. Nous avons fait valoir à plusieurs reprises à British Sugar, tout au long de l’automne et de l’hiver, que les producteurs ne s’accrocheraient pas à la culture de la betterave si British Sugar ne fournissait pas un soutien suffisamment fort.

Il s’agit autant de préserver la viabilité de British Sugar que de soutenir les producteurs qui ont subi des pertes substantielles cette année. Cependant, ils ont refusé de s’engager avec nous et ont plutôt annoncé le “Beet Package Plus“ bien qu’ils ne soient pas d’accord avec la NFU. Ce soutien s’élève à environ 0,80 £ /t de bonus lié au marché garanti pour les producteurs en 2021-2022, qui aurait très probablement été payé de toute façon, en vertu de la clause de partage de la valeur dans les contrats des producteurs.

British Sugar a quand même mis en place un fonds d’indemnisation…

L’été dernier, nous avons négocié le contrat betterave 2021-2022 pour inclure un fonds de compensation jaunisse de 3 ans en plus du prix de la betterave. C’est un moyen pour British Sugar d’assumer une petite partie des risques auxquels les producteurs sont confrontés en compensant une partie des pertes de rendement causées par le virus. Mais plutôt que de simplement payer un prix de betterave plus élevé à tous les producteurs, British Sugar a finalement opté pour une mise en commun des pertes. Avec ce système, les producteurs qui subissent les plus grosses pertes dues à la jaunisse reçoivent un prix plus élevé que ceux qui n’ont pas de perte de rendement.