Les semis 2021 accusent un repli de 6 % en France. Pourtant, le marché mondial du sucre montre des signes de reprise jusqu’à des niveaux qui, convertis en prix de betteraves, pourraient représenter une opportunité pour certains planteurs. « Si certains d’eux avaient pu fixer un prix de betteraves aux marchés à terme du sucre, ils auraient pu être tentés, par exemple, de semer des betteraves additionnelles si cela leur avait été rendu possible », explique Timothé Masson, économiste à la CGB.

Quel volume de betteraves engager ?

Un prix de betterave indexé sur les marchés à terme n’intéressera pas tous les planteurs. Certains en revanche peuvent y voir une occasion d’augmenter ponctuellement leurs surfaces, au-delà de leurs engagements, en fonction de leurs coûts de production et de la rémunération à attendre du marché à terme. Un volume de betterave potentiellement indexable pourrait alors être défini pour les planteurs volontaires. Au Royaume-Uni, il est limité à 10 % des volumes.

Quel marché à terme, quelle échéance ?

Pour des betteraves semées en année N, l’échéance la plus vraisemblablement choisie sera celle de décembre N du marché à terme du sucre raffiné (#5) : c’est celle, la plus proche (et donc la plus liquide), qui correspond à la disponibilité du sucre effectivement produit. D’autres possibilités sont possibles, comme un panachage entre plusieurs échéances (cas australien).

Comment convertir un prix du sucre sur le marché à terme en prix de betteraves ?

Deux options sont envisageables :

– La première option est de prendre en compte un coefficient de partage du prix du sucre, à ajuster d’une éventuelle prime de valorisation et de frais de gestion. C’est l’option qui a été choisie en Australie, afin de fixer le prix de la canne. La formule utilisée a été historiquement construite (en 1916) pour partager les deux tiers de la valeur du sucre aux planteurs.

– La seconde option est de retirer une valeur fixe du prix du sucre, rémunérant le sucrier pour la transformation. Ici encore, on peut ensuite l’ajuster d’une éventuelle prime de valorisation et de frais de gestion. C’est l’option qui a été choisie par les Britanniques : de la valeur du sucre en décembre N, convertie en £, est déduite une valeur de la betterave, par un calcul négocié entre la NFU (le syndicat des planteurs) et British Sugar : on y retranche 152 £/t (environ 170 €/t : une valeur négociée, mais basée sur des estimations probables de coûts de production de British Sugar), et on le convertit en prix de betterave sur la base d’une tonne de betteraves produisant 160 kg de sucre (6,25 t de betterave par tonne de sucre). De ce montant sont retirés des frais de gestion de 34 cts£/t de betterave, liés aux services d’un courtier qui assure l’intermédiation (Czarnikow). (Lire Le Betteravier français n°1117 du 20 octobre 2020).

Quel calendrier respecter ?

Deux calendriers seront à définir : d’une part, quand le planteur pourra choisir un tel contrat et, d’autre part, quand il pourra fixer son prix.

Dans l’exemple britannique, ces calendriers sont les suivants :

– Engagement du planteur sur ce type de contrat : le choix sera à faire entre l’été/automne précédant les semis, et jusqu’au semis. Une fois ce choix fait, il ne peut plus être modifié en cours de campagne.

– Fixation du prix par le planteur : pour la campagne N/N+1, à partir de la signature du contrat (été/automne N-1) et jusqu’au 1er septembre N, le planteur se référera au marché à terme du sucre blanc (#5) à échéance décembre N. À tout moment, le planteur pourra décider de retenir le prix retenu comme prix de paiement de ses betteraves.

Quelle organisation pour gérer l’intermédiation ?

Deux options sont envisageables : une intermédiation faite par le sucrier lui-même ou un modèle externalisé. Dans l’exemple australien, les deux solutions peuvent coexister, au choix du planteur. Dans l’exemple britannique, l’intermédiation a été externalisée auprès d’un courtier (Czarnikow).

Le modèle intégré implique que le groupe sucrier propose quotidiennement des prix de betterave, et gère les arbitrages sur les marchés à terme.

Le modèle externalisé apporte de la souplesse, mais nécessite rémunération. Dans l’exemple britannique, dès qu’un planteur a choisi ce type de contrat, son interlocuteur commercial, sur cette quantité, n’est plus son sucrier (British Sugar) mais le courtier (Czarnikow). Dès lors, il suit sur la plateforme du courtier le prix de betterave calculé en fonction du marché à terme, et peut décider de retenir le prix affiché comme prix de paiement de ses betteraves : il recevra, en fin de campagne, ce montant du courtier (qu’il rémunère 34 cts£/t de betterave pour cela). British Sugar n’aura, in fine, pas connaissance du prix de betterave que le planteur touchera sur ce volume de betterave : il aura agi de son côté, et sans autre lien que les volumes de sucre concernés, avec le même courtier, pour fixer son prix de vente de sucre. Avec ce système, chaque partie (l’industriel et le planteur) aura géré son risque prix, avec un même intermédiaire extérieur, mais aucune des parties ne connaîtra la valeur retenue par l’autre. Les planteurs britanniques peuvent actuellement s’assurer que leurs betteraves, tout juste semées, peuvent être rémunérées à un prix supérieur à 30 €/t, tout en assurant une marge stable à l’industriel.

Quand les planteurs français pourront-ils avoir accès à ce type d’outil ? La balle est dans le camp des industriels. « Il y a urgence à s’emparer de ce sujet, qui peut être un outil efficace pour aider au développement de surfaces supplémentaires. Car lorsque le marché est porteur comme actuellement, c’est bien le planteur qui doit en profiter, non le sucre d’importation », déclare Cyril Cogniard, président de la commission économique de la CGB.