Un article de notre partenaire européen Euractiv.

Associer la souveraineté alimentaire en France et Europe à un mode de production agricole respectueux de l’environnement, serait-ce possible ? Oui, répondent plusieurs chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans leur étude.

Trois conditions permettront de remodeler le système agroalimentaire européen d’ici 2050, selon les chercheurs : un changement du régime alimentaire vers moins de produits animaux, la transition vers un modèle agroécologique, ainsi qu’un système d’élevage circulaire.

Changer de système, une « nécessité impérative »

Ce n’est pas moins qu’une « transformation structurelle profonde » que les auteurs de l’étude explorent, et qui serait selon eux une « nécessité impérative ».

Si l’emploi massif d’engrais et de pesticides synthétiques, promu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aura permis d’augmenter la production et de nourrir une population européenne toujours grandissante, il nuit aussi considérablement à l’environnement, soutiennent les chercheurs : ce système aurait des impacts « sévères et multiples » sur les écosystèmes et la santé humaine à travers la pollution de l’air et de l’eau, leurs émissions de gaz à effet de serre et la perte de biodiversité.

Autre problématique : la population européenne (incluant de l’UE à 27, la Norvège, la Suisse, l’Albanie, la Serbie, le Monténégro et la Macédoine du Nord) s’est accrue de 428 millions d’habitants en 1961 à 540 millions en 2013, et la consommation de protéines animales a en moyenne augmenté de 80 % par tête, notent les chercheurs. Or, en même temps, la surface des terres agricoles a diminué. Aujourd’hui, l’Europe dépend des importations pour nourrir ses animaux d’élevage et, en conséquence, sa population.

Échapper à la trajectoire actuelle est possible

Face au changement climatique et au défi de reconquérir la souveraineté alimentaire – un des grands objectifs du président français Emmanuel Macron et de son ministre de l’Agriculture Julien Denormandie -, les chercheurs du CNRS ont analysé des voies alternatives. Premier constat : si le modèle agricole européen doit devenir plus durable tout en nourrissant la population, cette dernière devra changer de régime alimentaire.

Moins de viande, moins de produits animaux tout court d’un côté, davantage de produits céréaliers de l’autre : pour atteindre l’objectif d’un système agroalimentaire indépendant et durable, les Européens devraient tirer 45 % de leur apport en protéines des céréales, et plus que 30 % des produits animaux (contre 55 % aujourd’hui).

L’agriculture européenne devrait en outre adopter davantage de pratiques agroécologiques, comme notamment l’agriculture biologique mais aussi d’autres pratiques plus respectueuses de l’environnement et de la biodiversité, soutiennent les chercheurs. Au cœur de ces pratiques : une rotation des cultures adaptées aux spécificités régionales et qui diminuerait considérablement la nécessité de recourir aux engrais ou pesticides.

Enfin, les animaux d’élevage devraient être nourris à base de cultures locales, soutiennent les auteurs de l’étude, et le fumier rendu à la terre comme engrais pour ces mêmes cultures – un modèle circulaire qui, lui aussi, diminuerait les impacts négatifs du système actuel ainsi que la dépendance à la nourriture importée.

Si la transformation serait fondamentale, elle est aussi possible, estiment les chercheurs du CNRS. Selon eux, elle permettrait de nourrir la population européenne en 2050 tout en sortant d’une « trajectoire socio-écologique industrielle de laquelle nous avons aujourd’hui du mal à nous échapper ».