Imaginez un maillage de 500 stations BioGNV (Gaz Naturel Véhicule renouvelable) issues de la méthanisation agricole sur tout le territoire français. Ces stations permettraient de s’approvisionner partout en carburant vert. Elles serviraient aux bus, poids lourds des transporteurs locaux et véhicules de services à la personne… Et le plein des tracteurs et engins agricoles pourrait suivre. Tel est le scénario proposé par l’Association des agriculteurs méthaniseurs de France (AAMF) à l’horizon 2025.

500 stations de biogaz

« Tout évolue très vite dans la méthanisation », constate Bertrand Guérin, vice–président de l’AAMF, agriculteur en Dordogne, et responsable du groupe de travail BioGNV. La première injection de biométhane agricole dans le réseau de gaz en France a eu lieu en 2013. Dès 2015, un agriculteur de Haute-Marne en co-génération s’intéresse à l’usage du biogaz pour la mobilité (le BioGNV). En 2016, suite à un appel d’offres, il met en place une unité de micro-épuration de biogaz produisant du BioGNV. Elle alimente les voitures de la ferme, un bus de ramassage scolaire et un camion laitier. Ce schéma est rare. Habituellement, les stations BioGNV sont connectées au réseau gaz et fonctionnent avec des certificats d’origine.

Plus de 2 000 méthaniseurs en 2023

« Aujourd’hui, la France compte près de 1 000 agriculteurs méthaniseurs (cogénération et injection gaz). En 2023, ce chiffre va doubler, poursuit Bertrand Guérin. Selon notre enquête, un quart d’entre eux serait intéressé par le développement du BioGNV, soit 500. En général, nous avons la capacité d’augmenter notre production par rapport au contrat prévu avec notre acheteur de gaz. Chez moi, par exemple, je peux produire 5 % en plus du gaz contracté avec GRDF pour l’utiliser comme BioGNV. L’AAMF prépare ce plan 500/2025 en partenariat avec l’ADEME, GRDF, GRTgaz et l’AFGNV, l’association de la filière qui promeut le carburant gaz pour la mobilité.

« Nous soutenons ce maillage du territoire dans des zones qui n’intéressent pas les autres opérateurs par manque de débouchés », confirme Luc Budin, chef des ventes, expertises et solutions durables GNV-GRDF Hauts-de-France. « Il faut une flotte de 20 poids lourds pour amortir l’installation d’une station classique (1 M€). Pour une utilisation uniquement agricole, le coût pourrait être de 50 000 € ».

Un deuxième volet correspond à l’utilisation du BioGNV par les agriculteurs. New Holland va mettre en test cinq tracteurs fonctionnant au biogaz dès juillet dans les exploitations. AGCO s’intéresse aussi au sujet. Bertrand Guérin va tester un New Holland Methane Power avitaillé par sa station de biogaz.

2 à 3 stations BioGNV/GNV ouvrent par semaine

Avec un doublement en 3 ans (2,5 TWh consommés en 2020), les usages du gaz pour la mobilité se développent rapidement. « En France, plus de 26 000 véhicules l’utilisent, avec une croissance de 23 % des immatriculations de véhicules roulant au gaz », s’enthousiasme Caroline Maleplate, déléguée mobilité gaz à GRDF. 11 500 sont des véhicules légers. La flotte des poids lourds GNV française est la plus importante d’Europe avec 5 500 camions (+ 43 % en un an). Ce chiffre devrait être multiplié par neuf d’ici 2028, soit un poids lourd sur cinq roulant au gaz. Toutes les villes de plus de 200 000 habitants (sauf une) ont opté pour le gaz pour leur flotte de bus. Un bus sur trois mis en circulation l’utilise de même que 20 % des bennes à ordures ménagères. Enfin, le nombre de points d’avitaillement a été multiplié par trois en trois ans, avec 200 stations publiques BioGNV/GNV en mai 2021. 2 à 3 stations ouvrent chaque semaine.

Un carburant économique et peu polluant

Si les surcoûts des véhicules fonctionnant au gaz peuvent atteindre 30 % pour un poids lourd, celui du carburant de 20 à 30 % moins cher permet de les amortir. De plus, le suramortissement fiscal français limite le surcoût des véhicules. Mais surtout, le BioGNV émet 80 % de CO2 et jusqu’à 70 % de NOx en moins que le diesel, avec un bruit inférieur de 50 %.

Le BioGNV – biométhane produit à partir des résidus agricoles, effluents et déchets – est beaucoup plus récent, précise l’experte GRDF, avec la première injection en 2013. Son analyse de cycle de vie présente un bilan carbone identique à celui de la mobilité électrique. Le biogaz génère déjà 7 300 emplois.

« Aujourd’hui, le BioGNV représente 17,5 % du GNV national, contre 3 % en 2015, précise Jean Terrier, responsable secteur mobilité de GRTGaz. En mai 2021, les 242 sites de méthanisation dépassent une capacité de 4 TWh, soit l’équivalent de la consommation de 17 343 bus. Le biométhane injecté dans le réseau représente 0,5 % de la consommation totale du gaz naturel, mais les quantités doublent chaque année.

La filière, représentée par l’AFGNV (association française du GNV), regrette que le développement du biométhane dans la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie de mai 2020 manque d’ambition. L’objectif de 6 TWh en 2023, et de 14 à 22 TWh en 2028 est insuffisant face à l’ambition de la Loi énergie climat de 10 % de la consommation de gaz couverte par du gaz renouvelable en 2030, note-t-elle. L’objectif 2023 va être atteint avec près de deux ans d’avance.

« L’essor de la filière biométhane engendrera une baisse des coûts comme pour toute filière qui se développe », souligne Caroline Maleplate. Une projection que les agriculteurs ne partagent pas forcément. La baisse des prix prévus d’achat du biogaz et la hausse des coûts de construction pourraient ralentir le nombre de nouveaux sites de méthanisation et, par-delà, le développement du BioGNV agricole.