« L’essor de la filière bio ne peut être envisagé sans la conversion de grandes exploitations agricoles spécialisées en grandes cultures, explique Benoît Coiffier, conseiller technique grandes cultures pour Bio en Normandie. Et une fois converties, celles-ci restent des exploitations en grandes cultures ». Mais elles sont alors dirigées par des agriculteurs qui ont, entre-temps, complètement modifié leurs pratiques agricoles. Sur chaque parcelle, les pommes de terre bio (mais aussi les betteraves sucrières) seront cultivées tous les 8-10 ans. La plantation sera précédée par une culture de légumes ou de blé et elle précédera une nouvelle production de céréales. Dans tous les cas de figure, la culture de luzerne fera partie de la rotation.

Pour planter des pommes de terre, le principal poste de charge est l’achat de plans (environ 2 500 € par hectare). Mais les agriculteurs bio bénéficient de la recherche variétale. De nouvelles variétés particulièrement résistantes au mildiou sont éligibles au bio.

Le facteur limitant de la production de pommes de terre bio est dorénavant la quantité d’eau disponible dans le sol. Le système d’irrigation employé pour produire les pommes de terre conventionnelles sera tout à fait adapté pour les parcelles converties en bio.

Pour fumer la parcelle, le planteur de pommes de terre épandra de la fiente de volailles dont il veillera qu’elle ne soit pas issue d’élevages industriels. Implantée peu de temps après une culture de luzerne, la pomme de terre bénéficiera de l’azote stocké dans le sol.

Les moyens de lutte en cultures bio reposent principalement sur le préventif, mais les plantes bio sont dans l’ensemble plus résistantes aux maladies que celles cultivées en conventionnel.

Pour lutter contre mildiou, le nouveau planteur converti peut toujours épandre de la bouillie bordelaise dans une certaine limite. Un produit à base de Spinosad est aussi disponible sur le marché pour lutter contre les invasions de doryphores.

Réorganisation des relations commerciales

En 2019, un peu moins de 300 ha de pommes de terre bio étaient cultivés en Normandie. Il n’y pas en soi un marché de la pomme de terre biologique. « Les prix se négocient selon les débouchés de commercialisation (1,50 € à 3 € le kilogramme) mais ils sont en général deux fois plus élevés qu’en conventionnel. Alors que les rendements peuvent atteindre plus de 45 t/ha sur certaines parcelles irriguées et 30 à 35 t/ha sur des parcelles non irriguées », rapporte Benoît Coiffier.

Les pommes de terre biologiques sont aussi bien vendues à des collectivités territoriales qu’à des grossistes pour approvisionner la grande distribution ou les réseaux de magasins bio.

La restauration collective, et scolaire en particulier, est un débouché en plein essor en raison de la loi EGalim. Dans les écoles, un de ses objectifs est d’atteindre un taux d’approvisionnement de 20% de produits issus de l’agriculture biologique. Un tel développement imposé par la loi chamboulera immanquablement le paysage de l’agriculture biologique.

« Dans les exploitations bio, les capacités de stockage de pommes de terre dépendent des débouchés commerciaux », affirme Benoît Coiffier. Aussi, elles seront parfois supérieures à ce qu’elles étaient lorsque les planteurs étaient en conventionnel.

En effet, les relations commerciales des agriculteurs nouvellement convertis au bio sont totalement chamboulées. Auparavant, lorsqu’ils étaient en conventionnel, les planteurs avaient parfois l’habitude de livrer aux collecteurs les tubercules à la récolte. Dorénavant, il leur revient de trouver eux-mêmes des débouchés rémunérateurs pour leurs productions.