Trop d’écologie tue l’écologie. C’est la grande leçon de ce qui se passe actuellement en Italie. Au nom de la « gestion des espèces », on a drastiquement encadré la chasse aux sangliers. Le gouvernement pensait ainsi se faire bien voir, aller dans le sens de cette doctrine qui pèse si lourd aujourd’hui dans toutes les décisions. Mais à trop vouloir « laisser faire la nature » on peut s’en mordre les doigts. Le développement des populations de sangliers chez nos voisins est désormais hors de contrôle. Ce sont – selon les estimations – deux millions d’animaux qui vivent là-bas et la progression du cheptel est géométrique. Le confinement n’a rien arrangé. Il a donné un coup de fouet à l’expansion. « De Rome à Turin, de plus en plus de sangliers en ville : un accident de la route toutes les 48 heures », écrivait ainsi récemment le journal italien La Stampa.

A Piacenza, pas loin de Milan, un gros sanglier s’est approprié un parc qui a été fermé au public. Pas question de l’éliminer, les « Verts » montent la garde. Récemment, à Rome, un conducteur de deux roues a été tué en percutant un animal.

Les autorités municipales et gouvernementales qui, naguère, baignaient dans le vert, se renvoient la balle. La maire de Rome, Virginia Raggi et le président de la région Latium, Nicola Zingaretti, se jettent des noms d’oiseaux. La mairie assure que c’est à la région de s’occuper de cette problématique, la région pointant du doigt la responsabilité municipale de la capitale.

Pour un zoologiste, l’abondance de sangliers dans Rome s’explique notamment par les failles de la collecte d’ordures : « pour ces animaux, aller en ville c’est comme aller au supermarché ».

Les citadins ont une médiocre connaissance de l’animal. Même s’ils n’aiment pas la chasse, le contact de la bête noire ne leur est pas agréable. Nous l’avons dit ici : le renard est « doux et gentil » mais le sanglier « hirsute, sale et méchant ». Il fait d’autant plus peur qu’une vidéo a montré une dame sortant du supermarché, obligée d’abandonner ses courses à une bande de sangliers. « Ce n’est pas possible. J’ai peur de marcher sur le trottoir parce que si je m’approche des poubelles, ils vont me sauter dessus », panique une habitante.

Le problème, c’est que l’animal, à force de fréquenter l’homme, n’en a plus peur. Certes il est peu probable que ces braves laies suitées de marcassins et de bêtes rousses agressent les passants, mais leur masse effraie.

Assourdissant

Dans ce contexte, le silence des associations anti-chasse est assourdissant. Devant l’invasion, il devient en effet difficile de prôner l’arrêt de la chasse. La nécessité d’une gestion musclée devient évidente. Pourtant, la chasse du sanglier en Italie est très (trop) strictement encadrée : du 3 novembre au 2 janvier en Ligurie ; du 2 novembre au 31 janvier en Toscane ; du Ier novembre au 31 janvier à Rome. On comprend que le sanglier s’épanouisse !

En France, nous n’en sommes pas encore là, mais pas très loin quand même. On compterait un million de sangliers dans notre pays, soit moins qu’en Italie. Mais le sanglier commence à rôder dans les banlieues et à pousser des incursions dans les villes.

Après plusieurs années de mobilisation, les agriculteurs ont obtenu l’extension d’un mois de la période de chasse. C’est un premier pas. « Mais les chasseurs ont déjà neuf mois pour chasser le sanglier, un mois de plus ne changera pas la situation », estime Thierry Chalmin, président de la commission faune sauvage à la FNSEA. « Il faut supprimer les outils axés sur l’augmentation des populations, comme les plans de chasse ou de gestion et les consignes de tir visant à épargner femelles et jeunes. Le tir doit être libre partout au moins deux ou trois ans, quel que soit le sexe ou le poids de l’animal ».

De judicieuses consignes, mais il y a sur le territoire national quantité de zones de tranquillité que le sanglier, un animal remarquablement intelligent, connaît fort bien.

Laxisme

Dans ce contexte, les chasseurs n’ont plus le droit de se montrer laxistes. Fin septembre, une dizaine de chasseurs appartenant à une société de chasse mosellane ont comparu devant le tribunal de Thionville pour une affaire remontant à 2017.

Cette affaire concernait le non-respect du schéma départemental de gestion cynégétique fixé à l’époque. Pour faire face aux dégâts des sangliers déjà nombreux à l’époque, ce schéma prévoyait qu’il ne fallait plus donner de consignes de tir sur les sangliers, hormis le tir des laies meneuses.

Or, cette petite société de chasse donnait comme consigne de préserver les laies au-dessus de 45kg. La fédération des chasseurs, qui s’est portée partie civile dans ce dossier, peine à payer les dégâts.

Les prévenus – une dizaine de chasseurs – ont tenté d’expliquer au tribunal qu’ils agissaient par habitude, et dans l’intérêt du gibier, mais le ministère public, par la voix de sa représentante, semble ne pas avoir été sensible à cette ligne de défense : « Vous avez été hors-la-loi, dans l’illégalité, la coutume ne fait pas la loi ! » a-t-elle lancé.

Le parquet a réclamé des amendes allant de 300 € à 380 €. De son côté, la fédération des chasseurs réclame 150 € à chaque chasseur, au titre des dommages et intérêts. Le délibéré doit être rendu le 25 novembre.