L’ITB a mis en place, en 2021, trois essais visant à maintenir, en début de végétation des betteraves, des fétuques associées inoculées avec des champignons endophytes. Les fétuques ont ensuite été détruites afin d’obtenir un transfert des composés insecticides vers les betteraves pour réduire les populations de pucerons. Sur les trois essais, deux ont pu être conduits correctement. Des réductions modérées des populations de pucerons ont été constatées, mais très probablement liées à l’effet « association », traité dans la page précédente de ce cahier technique. De plus, l’itinéraire technique retenu a conduit à une concurrence importante des fétuques qui pénalisera trop fortement le rendement betteravier. La preuve de concept reste à démontrer, et devra reposer sur un itinéraire technique suffisamment performant.

Pourquoi utiliser ces fétuques ?

Les champignons du genre Neotyphodium sont naturellement présents dans 20 à 30 % des graminées. Ils établissent une relation de symbiose avec celles-ci, d’où le nom « endophytes », et produisent des composés insecticides dont la nature et la quantité dépendent de l’association champignon-hôte.

Dans le cas des fétuques mentionnées ici, les fournisseurs de ces solutions ont travaillé sur une inoculation de souches de champignons bien caractérisées. L’objectif est d’obtenir la production de composés insecticides de la famille des lolines, dans des quantités bien définies afin de ne pas être toxiques pour les animaux d’élevage. En effet, ces solutions sont notamment employées en Nouvelle-Zélande, en pâture, afin de limiter les dégâts de ravageurs souterrains. Il a aussi été démontré que ces composés ont des effets conséquents sur la mortalité de pucerons des graminées. L’objectif visé est d’obtenir un transfert de ces composés vers les betteraves grâce à la dégradation des fétuques, et d’en démontrer un effet sur la mortalité des populations de Myzus persicae.

Un itinéraire technique délicat à mener

La production de ces composés est d’autant plus élevée que le niveau de développement des fétuques est avancé. Il est donc nécessaire de semer ces dernières au plus tard à l’interculture précédente.

L’ITB a mis en place trois implantations à l’interculture 2020. Un essai mené en Normandie a été semé en direct juste après moisson, et a vu un développement correct des fétuques avec un salissement limité. Sur les deux autres sites, dans l’Aisne et en Champagne, le semis a été réalisé après un travail du sol : le développement des fétuques a été lent, et les parcelles se sont salies. Le site conduit dans l’Aisne a dû être abandonné. Le développement lent des fétuques à cette période, et particulièrement de la variété proposée, oblige donc à réaliser le semis le plus tôt possible.

Afin de maximiser le développement des fétuques, il a été décidé de prolonger leur végétation dans les betteraves, et de semer les betteraves dans celles-ci en réalisant au préalable un travail du sol localisé.

Des résultats pour le moment mitigés

En Normandie, une destruction des fétuques avec un anti-graminées a été réalisée une fois les betteraves levées. Cependant, le niveau de développement a rendu difficile la destruction, obligeant à une seconde intervention, et impactant fortement le développement des betteraves. Le seuil des 10 % de betteraves atteintes par les pucerons verts a été franchi le 31 mai dans la modalité avec les fétuques, soit trois semaines après la modalité classique.

En Champagne, en raison d’un re-semis dû au gel, une intervention au glyphosate a été réalisée avant le second semis des betteraves, permettant ainsi de détruire les fétuques et les adventices. Là aussi, la destruction des fétuques a été lente, et les betteraves ont été concurrencées. Sur un premier comptage, réalisé fin mai, deux fois moins de pucerons verts sont observés dans la modalité avec fétuques. Début juillet, aucune différence ne ressort.

L’interprétation des résultats obtenus sur les populations de pucerons est à considérer avec prudence. En Champagne, des analyses ont révélé que les composés insecticides n’avaient pas migré vers les betteraves, ce qui n’est pas étonnant compte tenu du temps nécessaire à leur dégradation. En Normandie, les analyses seront prochainement réalisées. L’effet sur les réductions des populations de pucerons peut donc s’expliquer par la simple association des fétuques. Il est peut-être majoré par leur contenu en composés insecticides. Il peut aussi y avoir dans ces résultats des biais liés au niveau de développement des betteraves et au peuplement, plus faibles dans la modalité avec les fétuques.

Les perspectives de travail

L’ITB a lancé une expérience sous serre afin de tenter d’observer ce transfert des composés insecticides selon différents modes de destruction (chimique, mécanique), et d’en évaluer le potentiel impact sur Myzus persicae. Selon les résultats qui seront obtenus, l’itinéraire technique pourra être adapté. Trois essais sont actuellement implantés pour la campagne 2022, dont un pour lequel le semis des fétuques a été réalisé dans la culture précédente, afin d’en optimiser le développement.

CE QU’IL FAUT RETENIR

Les champignons inoculés sur les fétuques produisent des composés insecticides de la famille des lolines. L’objectif est de les faire migrer vers les betteraves, en détruisant les fétuques, juste avant, ou bien après la levée des betteraves.

Des baisses de population de pucerons verts ont été constatées dans les modalités avec fétuques, mais le transfert des composés n’a pas encore été observé, et la concurrence des fétuques sur les betteraves a été trop importante.

De nouveaux essais seront conduits sous serre, et au champ.