Le monde agricole ne reste pas les bras ballants face à la demande de réduction de l’usage des phytosanitaires. C’était le message envoyé par Emmanuel Leveugle, betteravier à Flesquières (Nord), le 25 octobre dernier. Objectif : présenter à la profession, à la presse et aux élus – en l’occurrence, le sénateur du Nord Frédéric Marchand qui avait fait le déplacement – la concrétisation d’un projet qu’il porte depuis environ un an.

Baptisé « le 75’s » en raison de l’écartement maximum qu’il permet d’atteindre entre les lignes de semis, l’objet de toutes les attentions du jour est un semoir polyvalent orange à 20 dents, qui a permis à l’agriculteur du Cambrésis de réaliser tous ses semis d’automne. Élaboré avec l’aide d’un professeur de machinisme et de deux élèves de l’Institut Saint Éloi de Bapaume à partir d’un semoir à double trémie d’occasion, il est destiné à l’agriculture de conservation des sols (ACS).

Des essais sur betterave et colza

La technique qui prône une perturbation minimale du sol, une couverture maximale et des rotations de cultures et de couverts adaptées, préconise en effet cultures associées et plantes compagnes. Et le moins de passages de machines possible… La philosophie de son nouveau semoir, qui permet en effet de semer deux espèces dans deux lignes de semis lors du même passage.

Tournesol, phacélie, moutarde d’Abyssinie, trèfle d’Alexandrie… La mission de ces couverts végétaux semés cet automne chez Emmanuel Leveugle est de détourner les ravageurs avant les semis de betteraves, en mars ou en avril prochain. Dans les futures parcelles de colza, c’est du fenugrec, plante odorante réputée pour son efficacité à repousser les altises, qui a été semée.

Communication positive

Ces initiatives, suivies avec attention par un technicien de la chambre spécialisé en agriculture de conservation des sols (ACS), serviront autant à enquêter sur les alternatives naturelles aux néonicotinoïdes (et au phosmet pour le colza) qu’à communiquer sur la capacité du monde agricole à innover dans un contexte où les produits phytosanitaires sont montrés du doigt. « Les agriculteurs connaissent les attentes des consommateurs en terme de réduction des produits phytosanitaires, et mettent tout en place pour y répondre, a salué le président de la FDSEA 59, Laurent Verhaeghe. L’agriculture est source de solutions, sur ce sujet comme sur d’autres, notamment les énergies renouvelables : photovoltaïque, éolien, méthanisation… »

Cultivateur à la fois en bio et en conventionnel, passé en TCS (techniques de culture simplifiées, une sorte de palier avant l’ACS) depuis plusieurs années, Emmanuel Leveugle est bien placé pour communiquer. « Mon père s’est installé après la guerre dans la ferme familiale, enchaîne le représentant de la septième génération de la famille à cultiver à Flesquières. Dès la fin des années quatre-vingt, nous avons essayé d’améliorer notre sol : seigle, moutarde, Cipan, SIE… J’ai ensuite fait le choix du colza, qui capte l’azote, protège le sol et lui apporte de la masse ».

Mais l’ACS n’est pas qu’une question de volonté, c’est aussi un budget : il faut compter entre 50 000 et 100 000 euros pour un semoir permettant de semer plusieurs espèces en même temps. Une prise de risque financier pour les producteurs, qu’Emmanuel Leveugle entend contourner avec son prototype, dans lequel il n’a finalement investi « que » 10 000 €.

Et pour jouer jusqu’au bout son rôle de pionnier et en faire profiter le plus grand nombre : les plans, actuellement en finalisation avec la chambre d’agriculture, seront prochainement partagés sur internet.