« Comment allons-nous pouvoir continuer demain à produire de la pomme de terre en France et à attirer de nouveaux producteurs ? », s’est interrogé Geoffroy d’Évry, le président de l’Union nationale des producteurs de pommes de terre (UNPT), le 7 janvier. Pour lui, « la pomme de terre ne subit pas un problème de marché aujourd’hui mais un problème de production », avec une accumulation de contraintes et de coûts en hausse pouvant freiner les ardeurs des producteurs. « Sur la campagne 2020/2021, on a commencé à retrouver les tendances de consommation qui existaient avant la crise du Covid. Ce n’est pas une vraie reprise, mais on voit que l’hémorragie est stoppée », constate Loïc Lemeur, responsable des affaires techniques et économiques. Sur la campagne 2021/2022, les volumes exportés repartent à la hausse (+2 % par rapport à la campagne précédente), tout comme la consommation de produits transformés (+3,9 % en surgelés). Dans ce contexte de reprise, les industriels cherchent des surfaces pour augmenter leur production. Mais la dynamique n’est pourtant pas à la hausse du côté des producteurs. En France, les surfaces ont baissé de 3 % en 2021, à 153 840 hectares, pour une production en recul de près de 2 % à 6,781 millions de tonnes, malgré un rendement en légère hausse (44,1 t/ha contre 43,6 t/ha un an plus tôt). Même tendance dans la zone européenne du NEPG (Belgique, Allemagne, Pays-Bas, France), avec un recul de 800 000 tonnes de la production sur un an (-3,4 %).

Face à une demande des industriels qui s’annonce forte en 2022, l’enjeu pour la filière est de pouvoir conforter les surfaces. Mais rien n’est sûr. Les coûts de production des agriculteurs explosent. « Ce sont les prix des engrais et de l’énergie qui augmentent le plus fortement, avec respectivement des hausses de 68,5 % et 39,9 % sur un an », souligne Loïc Lemeur.

La filière fécule en question

Les difficultés sont plus marquées encore pour la filière fécule. Malgré une amélioration du rendement sur 2021/2022, à 48,5 t/ha à 17 %, les rendements sont en souffrance depuis 3 campagnes. « Ce n’est pas suffisant, mais c’est mieux que ce que l’on a connu ces dernières années : 10 tonnes de rendement ont disparu en moyenne en dix ans », a alerté Olivier Brasset, le président de la commission fécules. L’impact du Covid a généré des surstocks entraînant une chute des cours et une baisse des prix de la pomme de terre féculière.

« Nous avons de fortes craintes de baisse des surfaces pour 2022 et 2023. Si on arrive à 18 000 hectares de fécule, ça va poser la question de la pérennité des sites industriels. C’est vraiment dommage car nous avons des perspectives de marchés porteurs », a ajouté Olivier Brasset.

La bonne tenue des prix des productions agricoles aujourd’hui, associée à la hausse du prix des intrants, vont rebattre les cartes des assolements. La future PAC pousse aussi à la diversification des cultures, estime l’UNPT. Des arbitrages vont être réalisés par les producteurs sur de nouvelles bases. « Le dispositif des éco-régimes va contraindre les producteurs qui font à la fois des pommes de terre et de la betterave à des arbitrages », affirme Geoffroy d’Évry. À cela s’ajoutent de nouvelles contraintes sur l’utilisation des produits comme le non-renouvellement de l’insecticide Teppeki (flonicamide).

Revalorisation des contrats en industrie

« Les marchés sont dynamiques. Mais on ne peut pas continuer à s’imposer des règles drastiques différentes de celles de nos voisins. On n’arrive pas à suivre le rythme imposé par les interdictions et les nouvelles règles, alors que la production fait énormément d’efforts pour s’adapter », a insisté Geoffroy d’Évry qui plaide pour que « la pomme de terre retrouve de l’attractivité sur le plan économique, technique, réglementaire, social et sociétal ».

Heureusement, les industriels ont accepté de revaloriser les prix des contrats 2022 pour compenser une partie des hausses de coûts de production. « Nous avions demandé une hausse du prix des contrats de 30 à 40 €/t. Une grosse partie du chemin a été faite de la part des industriels pour accompagner les hausses de production. Ça n’effacera pas la dégradation des prix de contrats suite au Covid mais on constate une volonté de revaloriser les prix des contrats ». Une bonne nouvelle pour les producteurs. L’UNPT tiendra son assemblée générale les 7 et 8 juin à Troyes (Aube).