En à peine six semaines, le prix de la tonne de blé a baissé de près de 40 € pour s’établir autour de 270 €. Il y a encore un an, un tel prix aurait réjoui n’importe quel céréalier. Mais en ce début d’année, la chute des cours inquiète et continuera à inquiéter si elle se poursuit. La flambée des intrants a considérablement augmenté les coûts de production des céréales emblavées l’automne dernier. À moins de 250 € la tonne de blé payée sortie ferme, de nombreux céréaliers seront certains, l’été prochain, d’avoir produit cette céréale à perte !

Les cours de toutes les céréales secondaires ont aussi baissé ces six dernières semaines, mais dans de moindres proportions. Le prix de la tonne d’orge fourragère a diminué de près de 30 €, et celui de la tonne de maïs d’un peu moins de 20 €.

Omicron inquiète

Trois facteurs conjoncturels et sanitaires sont avancés pour expliquer ce renversement de tendance subite, accentué durant la trêve des confiseurs.

Premier facteur, les récoltes sont meilleures qu’estimées le mois passé dans l’hémisphère sud. L’Australie bat son record de la campagne passée en récoltant 34 millions de tonnes (Mt) de blé et plus de 13 Mt d’orges. La production de blé argentine (20 Mt) est aussi bien plus importante que de l’an passé (17 ,7 Mt). Si bien que les deux pays sont en mesure d’exporter, à eux deux, 39,5 Mt de blé (+ 10 Mt de plus que l’an passé) et 12 Mt d’orges (+2 Mt).

Sur les marchés des céréales à paille, les pays de l’hémisphère sud sont ainsi en mesure de prendre le relais des pays de l’hémisphère nord et, en particulier, des pays de la mer Noire. Selon le site Sevecon.ru, l’Ukraine aurait déjà exporté, à la fin du mois de décembre dernier, 15,7 Mt de blé et 5,1 Mt d’orges sur les 24 Mt et les 6 Mt disponibles durant toute la campagne.

Par ailleurs, les céréales australiennes et argentines sont très compétitives. Alors qu’en Russie, les taxes à l’export, réévaluées chaque semaine, rendent la commercialisation des grains plus difficile. Par tonne, ces taxes étaient de 83 € (1 € = 0,88 $) pour le blé et de 73,5 € pour l’orge durant la semaine du 12 au 18 janvier prochains. Soit 70 % de la part du prix de la tonne de ces deux céréales excédant 176 € pour le blé et 163 € l’orge.

Le deuxième facteur de baisse des prix des céréales est la nouvelle vague épidémique du virus de la Covid-19 et de son variant Omicron. Elle inquiète les milieux financiers et agricoles. Les opérateurs redoutent un ralentissement de l’économie mondiale et des échanges commerciaux perturbés. Enfin, troisième facteur, la diminution des prix des céréales anticipe une hausse de plus en plus inéluctable des taux d’intérêt de certaines banques centrales pour contrer le retour durable de l’inflation et de la flambée des prix.

Or, les quelques millions de tonnes de céréales produites, en plus qu’escompté il y a quelques semaines, ne modifient pas fondamentalement le bilan de la fin de la campagne céréalière. Les stocks mondiaux de blé (278 Mt) seront inférieurs de 11,5 Mt à leur niveau du mois de juin 2020. Et plus de la moitié de cette baisse est portée par les États-Unis (16 Mt, – 7 Mt). Or, les températures hivernales très rudes dégradent considérablement les conditions de cultures dans les plaines du Midwest et son potentiel de rendement.

Par ailleurs, les prix élevés des intrants dissuadent les agriculteurs de prendre des risques pour produire des céréales en abondance et pour se lancer dans la course aux rendements, selon la FAO (Nations Unies). Les producteurs de grains craignent de ne pouvoir couvrir les coûts de production lorsqu’ils vendront leurs récoltes. La volatilité des marchés des grains effraie. La perspective à un retour de conditions de marché stables s’éloigne.