Comment se sont déroulés les débats à l’Assemblée nationale ?

Frédéric Descrozaille : ils ont été globalement très constructifs, sans posture ou affrontement idéologique, même s’il y a eu des discussions assez franches sur la création d’un fonds mutuel public. La loi est passée à 94 voix sur 97 votants.

Quels amendements avez-vous portés ?

Frédéric Descrozaille : j’ai apporté quelques amendements sur l’article 7 pour préciser l’habilitation du gouvernement à procéder par ordonnance, l’obligation d’adhésion pour les assureurs et la notion de sélection adverse des risques, qui garantit l’universalité du régime pour éviter que les assureurs ne sélectionnent que les bons risques. J’ai aussi porté un amendement sur la Commission d’orientation et du développement des assurances récolte (Codar) pour que les filières soient bien présentes dans cette commission, qui réunit l’État, les assureurs et les agriculteurs.

Le texte de l’Assemblée nationale est-il améliorable ?

Laurent Duplomb : oui, nous avons adopté plusieurs amendements en commission économique du Sénat, avant son passage dans l’hémicycle le 8 février. J’ai tenu à améliorer le texte dans le seul but de donner plus de confiance et de la visibilité aux agriculteurs. Le premier élément est de fixer par décret les taux et les seuils de l’assurance et de l’indemnisation publique, pour une période de cinq ans, sauf exception. La Codar fixera la franchise, le taux d’intervention de l’État, le taux d’indemnisation et la subvention de la prime, pour les différentes filières et pour cinq ans. Le gouvernement ne sera pas seul à décider, ce sera une décision collégiale entre les agriculteurs, qui payent la prime d’assurance, les assureurs qui prennent le risque et l’État qui couvrira une partie de ce risque avec la caisse centrale de réassurance.

L’Assemblée nationale et le Sénat sont-ils sur la même ligne à ce sujet ?

Frédéric Descrozaille : les députés travaillent en bonne intelligence avec Sénat. Je suis sur la même ligne que Laurent Duplomb. Je comprends la motivation du Sénat de fixer les taux ; il ne faut pas avoir de trop gros écarts d’une année sur l’autre. Il est prévu une commission mixte paritaire la semaine après la séance du 8 février au Sénat. Je suis confiant.

Comment voyez-vous l’articulation entre l’intervention de l’État et l’assurance récolte ?

Frédéric Descrozaille : l’esprit du dispositif est que la Codar pourra ajuster les stratégies des filières dans le temps. Si les assureurs estiment ne plus pouvoir couvrir un risque sur une culture ou sur un bassin de production, ils se tourneront vers la filière concernée. La Codar fera alors une recommandation au gouvernement sur le niveau de dotation nécessaire pour maintenir une couverture de risque. Et tous les ans, le Parlement votera dans le budget pour tenir compte de l’adaptation par filière et par sinistre. Les professionnels auront un rôle majeur dans le pilotage du système.

Laurent Duplomb : je souhaite redonner son rôle à la caisse centrale de réassurance de façon que l’on n’ait pas uniquement une mutualisation des risques au niveau des assurances privées. Il faut aussi apporter une forme de confiance pour les assureurs. Cela permettra de mettre de l’huile dans les rouages. Et pour l’État, ce texte garantit de ne pas dépenser plus que 600 millions d’euros par an.

Avec le système de pool, les assureurs mutualiseront leurs portefeuilles de risques, mais la concurrence entre les assureurs sera-t-elle préservée ? Les futures assurances seront-elles moins chères ?

Frédéric Descrozaille : l’idée de la mutualisation, c’est que la réassurance des risques soit commune. Mais chaque assureur aura sa politique commerciale. Il pourra par exemple choisir une logique indicielle ou indemnitaire. Il y aura une pluralité et une concurrence sur une base mutuelle.

Laurent Duplomb : les données des assureurs resteront dans le pool de façon anonyme et agrégée. Je ne veux pas que les assureurs choisissent les risques et les cultures à assurer. Ils devront proposer des contrats de multirisques climatiques (MRC) à des prix raisonnables.

À quelles conditions les assurances seront-elles plus abordables et plus efficaces ?

Laurent Duplomb : je souhaite que les agriculteurs puissent choisir la méthode de calcul la plus favorable pour être indemnisés – moyenne triennale glissante ou moyenne olympique sur cinq ans – tant sur la partie assurable que sur les risques catastrophes pris en charge par l’État. Il faudrait que les mesures de prévention mises en œuvre par les exploitants, pour se protéger des aléas climatiques, par exemple en installant un système d’irrigation ou antigel, soient prises en compte dans le calcul de la prime d’assurance.

Enfin, il est important que l’on puisse appliquer complètement le règlement européen Ominibus en portant le taux de subvention à 70 % et en abaissant la franchise à 20 %.

Les prairies sont très peu assurées. Que proposez-vous ?

Laurent Duplomb : pour les prairies, nous étions dans un système fonctionnant sur la base d’indices à partir d’images satellites. Je suis éleveur dans l’Allier, et je sais que les évaluations indicielles anonymes proposées par satellite ne reflètent pas toujours la réalité. Il faut donc conserver le Comité départemental d’expertise qui pourra continuer à être saisi par les agriculteurs, s’ils souhaitent avoir recours à une expertise au plus proche du terrain.

Comment voyez-vous le rôle de l’assurance multirisques climatiques dans l’avenir ?

Frédéric Descrozaille : je pense que les risques exceptionnels sont surestimés. Ils sont certes traumatisants, mais la réalité est que nous devons couvrir les risques moyens entre 20 et 40 % de pertes et la récurrence de ces pertes. Ces risques moyens devront à terme consommer le plus gros de l’enveloppe budgétaire.