« La mise sur le marché et l’utilisation de semences de betteraves sucrières traitées avec des produits phytopharmaceutiques contenant les substances actives imidaclopride ou thiaméthoxame sont autorisées pour une durée de cent-vingt jours », selon l’article 1 de l’arrêté publié le 1er février au Journal Officiel.

Les deux produits autorisés par cette dérogation sont le Cruiser SB et le Gaucho 600 FS à 75 % de la dose d’AMM (Autorisation de mise sur le marché).

Cette dérogation est temporaire et strictement encadrée. En particulier concernant les cultures implantées à la suite d’une culture de betteraves traitées aux néonicotinoïdes, afin de préserver les pollinisateurs. Par exemple, le maïs et la pomme de terre ne pourront être implantés qu’en N +2 après une betterave traitée. Le colza, le lin, la luzerne ou le pois, seulement en N +3 (voir le Cahier technique pour plus de détail pages 15 et 16).

Les mesures d’atténuation évoquées lors de la dérogation 2021 pour le maïs et le colza n’ont donc pas été retenues, malgré la constitution d’un solide dossier présenté par les instituts techniques. La culture de maïs ne peut pas être implantée en 2022, même dans le cas où ces mesures ont été respectées pour la betterave traitée en 2021. Certaines cultures ont malgré tout été ajoutées dans le cadre de la dérogation 2022. C’est le cas du tabac ou du soja en N+1, ou du sarrasin en N+3.

Toutefois, ces contraintes de successions culturales derrière les betteraves traitées vont poser des difficultés importantes à de nombreux planteurs. Elles induiront, selon les cas, « une baisse des surfaces de betteraves ou des modifications d’assolement synonymes d’appauvrissement du bol alimentaire des insectes pollinisateurs », dénonce la CGB. Néanmoins, le syndicat appelle les planteurs à respecter scrupuleusement la réglementation. De même, les carnets de culture et les enregistrements doivent être à jour.

Développement des alternatives

Dans un communiqué de presse commun, les ministères de la Transition écologique et de l’Agriculture mettent en avant le fait que le développement d’alternatives aux néonicotinoïdes est « en bonne voie ». Ils insistent aussi sur le fait que la dérogation pourra être renouvelée au maximum jusqu’en 2023, « afin de développer des solutions alternatives pour lutter contre les pucerons porteurs de virus. Après cette date, toute utilisation de produits phytosanitaires composés de néonicotinoïdes sera définitivement interdite en France ».

Afin de préparer la sortie définitive des néonicotinoïdes à partir de la saison 2024, un plan national de recherche et d’innovation (PNRI) a été lancé en 2020. « L’État consacre à ce programme de recherche 7 M€, qui financent 21 projets et mobilisent de nombreux acteurs », indiquent les deux ministères. Et de citer l’utilisation de cultures auxiliaires qui repoussent les pucerons, la mise en place d’infrastructures agroécologiques à proximité des champs de betteraves, la sélection variétale, le biocontrôle avec l’utilisation de médiateurs chimiques ou encore le recours à des prédateurs naturels des pucerons.

Ces alternatives sont d’ores et déjà en cours d’expérimentation dans les 500 hectares de fermes pilotes prévues par le programme de recherche auxquelles s’ajoutent, dès cette année, 250 hectares de fermes de démonstration gérées par l’interprofession, pour tester des solutions en condition réelle au champ.

Assurance jaunisse

Au terme de cette première année de travaux, et sur la base des premiers résultats encourageants, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) estime que le Plan National de Recherche et d’Innovation (PNRI) fournira des solutions efficaces réduisant significativement le risque de jaunisse de betteraves. « Cela permettra de se passer définitivement des néonicotinoïdes au plus tard à partir de la saison 2024, dans la conduite des cultures betteravières », insistent la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, et le ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, Julien Denormandie.

Les deux ministères souhaitent développer aussi le volet économique et indiquent que les professionnels de la filière betterave et sucre se sont engagés, avec le soutien de trois régions (Île-de-France, Grand Est et Hauts-de-France) à l’élaboration d’un dispositif de gestion des risques, à travers l’instrument de stabilisation des revenus (ISR). Ce dispositif permettra, en cas de pertes de rendement dues au virus de la jaunisse, et si les alternatives aux néonicotinoïdes n’offrent pas une protection équivalente, de compenser une partie des pertes de revenus des betteraviers. Une assurance jaunisse en quelque sorte ! Cet ISR sera expérimenté en 2022 avec un groupe pilote, en vue de le généraliser en 2024.

Fort de ses avancées agronomiques et économiques, le gouvernement veut croire que la France sera sortie des néonicotinoïdes dans deux ans… Mais il reste du pain sur la planche !

Les semences devraient arriver à temps

Avec une dérogation publiée un peu plus tôt cette année (le 1er février au lieu du 6 février l’année dernière), les sélectionneurs ont une semaine de plus pour traiter les semences. « Dès que nous avons eu le feu vert, nous avons lancé le pelliculage des semences, témoigne Bruno Dequiedt, directeur général de SESVanderHavce France. Il n’y avait pas une minute à perdre. C’est un exercice compliqué dans les usines, surtout en période de Covid où les équipes peuvent être perturbées pendant une semaine. Nous avons mis en place une très bonne organisation de travail. Il faut savoir qu’après le pelliculage, qui est une étape cruciale, il y a encore des analyses à réaliser, notamment de germination au test au froid et de dosage de matières actives ». Les premières livraisons devraient arriver la semaine 8 (mi-février) et s’étaler jusqu’aux semaines 10 et 11 (mi-mars). L’année dernière, la logistique avait été très tendue et, cette année, les semenciers ont eu un peu plus de temps pour s’organiser. Entre 80 et 85 % des semences devraient être traitées avec les néonicotinoïdes, essentiellement avec Cruiser SB.