Disons-le d’emblée : le fusil à canons lisses chargé d’une cartouche de plombs est très rarement létal pour l’homme. Il peut y avoir des accidents mortels mais, sur une très longue période, on les compte sur les doigts de la main. C’est le propriétaire de l’arme qui se tue, le chasseur qui n’a pas déchargé son fusil et qui déclenche le tir en passant une clôture ; le même dans une voiture ou en sortant l’arme de son étui. Dès que la distance dépasse vingt mètres, l’accident peut être mutilant, mais n’est plus mortel. En revanche, la balle tue. Et elle tue à grande distance. Or, il est bien évident que l’on ne voit pas ce qui se passe à cette distance. D’ailleurs, bien malin qui pourrait détecter un promeneur à plus de deux cents mètres. En outre, et contrairement aux armes de guerre, la balle cynégétique champignonne ou se fragmente, causant ainsi de multiples atteintes. La balle de guerre est faite pour mettre hors de combat, la balle de chasse pour tuer.

Le tir à balles est donc un tir particulièrement dangereux. Pour qu’il soit inoffensif, il faut qu’il soit « fichant » c’est à dire que la balle soit tirée de haut en bas. Si elle rate sa cible, elle percutera le sol. C’est généralement ce qui se produit lorsqu’en battue on tire un animal à moins de trente mètres. En portant l’arme à l’épaule à cette distance, on obtient le fameux tir fichant. Mais plus la distance augmente, plus le tir se rapproche de l’horizontal. Si on loupe la cible, la balle file dans la nature. Et, en chassant en battue, il arrive que certains lâchent la balle à grande distance en vertu de l’adage « le sanglier risque plus que moi ». Un comportement idiot, mais qui n’a pas totalement disparu.

Sécurité à l’approche

Quand on chasse à l’approche, l’arme bien calée sur un pied, et que l’on vise à travers une lunette, le tir devient extrêmement précis. On a en outre tout le temps pour observer la configuration du terrain et voir si les conditions de sécurité sont réunies.

En battue, en revanche, on tire très vite. L’animal passe souvent à fond les ballons. Il saute le layon. On a moins le temps d’assurer son tir. C’est vrai pour les « anciens », c’est encore plus vrai pour les plus jeunes émus et fébriles à l’idée de tirer leur premier grand gibier.

La carabine a l’avantage d’être efficace à grande distance. Et l’inconvénient de cet avantage. Faudrait-il en interdire l’usage en battue ? La remplacer par le fusil à canons lisses chargé de balles ? La balle destinée aux canons lisses porte certes moins loin, mais sa trajectoire est moins précise. En outre, elle ricoche. Il faudrait affiner les statistiques et voir, en analysant les accidents mortels des vingt dernières années, quelle arme les a causés. C’est d’ailleurs très curieux qu’aucune étude n’ait été publiée. *

Réserver l’usage de la carabine à la seule chasse à l’approche n’est pas forcément une idée stupide, mais elle serait très mal perçue dans la communauté cynégétique. Il y a de plus en plus de grand gibier et, quand les chasseurs achètent une carabine, c’est pour s’en servir. Or, la battue reste la technique la plus populaire pour chasser chevreuils et sangliers.

Le « serpent de mer » des chevrotines …

Baliser le territoire avec des banderoles « chasse en cours » est, en principe, efficace. Encore faut-il, d’une part, que les randonneurs les respectent ; d’autre part que l’on balise suffisamment large. Pendant très longtemps, on a chassé le grand gibier en battue en tirant au gros plomb pour le chevreuil, à la chevrotine pour le sanglier. Mais, dans un souci d’éthique – trop d’animaux blessés – on a rendu obligatoire le tir à balles. « L’éthique » c’est très bien mais le respect de la vie humaine pourrait aussi peser dans le débat. Nous avons eu, au cours des derniers mois, deux accidents mortels sur des non chasseurs dus à des balles perdues. C’est trop.

Selon l’arrêté ministériel publié le 1er août 1986, « les animaux des espèces suivantes : cerf, daim, mouflon, chamois ou isard, chevreuil et sanglier ne peuvent être tirés qu’à balle ou au moyen d’un arc de chasse […] ». Néanmoins, le ministre responsable de la chasse peut fixer par un arrêté triennal les conditions dans lesquelles l’emploi de la chevrotine est autorisé, seulement pour le tir du sanglier en battues collectives dans les départements présentant des formations végétales telles que la garrigue ou le maquis.

C’est ainsi que les préfets des deux départements corses ont proposé de continuer à autoriser, par arrêté ministériel, l’usage de la chevrotine pour les trois ans à venir. C’est fait. La munition est donc autorisée uniquement dans le cadre de battues collectives au sanglier comprenant au moins sept participants.

Assouplir l’emploi de la chevrotine en battue ? C’est un « serpent de mer » récurrent. Le débat sera (très) animé mais vaut peut-être d’être ré-ouvert … Le nombre d’accidents de chasse a certes diminué au cours des dernières saisons, mais la multiplication des sangliers, des battues et donc des balles tirées dans la nature incite à se pencher sur la question.

* A la question concernant l’accident mortel : « s’agissait-il d’une carabine ou d’un fusil à canons lisses ? », la Fédération du Cantal se borne à répondre « qu’elle ne communique pas ».