Le préfet de l’Aisne, Thomas Campeaux, a déclaré en conférence de presse que des concentrations supérieures à la valeur sanitaire transitoire de gestion, évaluée à 3 µg/L, de métabolites – des molécules issues de la dégradation dans le sol de la molécule mère, la chloridazone – ont été détectées dans l’eau. « La chloridazone est un herbicide utilisé principalement, mais pas seulement, dans la culture de betterave sucrière, interdit à la vente depuis 2019 », précise le préfet. Deux métabolites sont concernés : la chloridazone desphényl et la chloridazone méthyl desphényl. Pour rappel, il existe deux normes qui permettent d’évaluer la qualité de l’eau. La limite de qualité de l’eau potable, qui s’évalue ici à 0,1 µg/L, est une directive européenne, à visée environnementale, qui a pour objectif de réduire la présence de résidus de pesticide, voire de leur métabolite, au plus bas au niveau de la concentration dans l’eau. La limite passe à 0,5 µg/L en cas de cumul de plusieurs pesticides. Ce dépassement de limite de qualité n’entraîne pas automatiquement une interdiction de la consommation de l’eau. La notion d’eau consommable, liée au risque sanitaire, est établie à partir d’une autre valeur construite par l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), la Vmax (Valeur sanitaire maximale). « Toute notre difficulté est que, pour l’instant, il n’existe pas de valeur sanitaire maximale pour les métabolites de la chloridazone », déclare le préfet. Une valeur sanitaire transitoire de gestion a été publiée en juin 2022 par le ministère de la santé, à 3 µg/L. « Cette valeur n’est pas le fruit d’études toxicologiques, c’est par défaut, en se référant à la valeur utilisée en Allemagne par l’agence fédérale de l’environnement. Or, elle ne reconnaît pas les métabolites comme pertinents, c’est-à-dire qu’ils ne représentent pas un risque pour la santé humaine, contrairement à ce qui a été déclaré en France par l’Anses », explique le préfet.

103 communes sous surveillance renforcée

Le préfet de l’Aisne a réuni, le 6 juillet, les responsables de la production et la distribution d’eau (PRPDE) qui dépassent 3 µg/L afin de trouver des solutions pour réduire les concentrations de métabolites présents dans leur UDI (unité de distribution d’eau). 103 communes ont été mises sous surveillance renforcée pendant 3 mois, avec une analyse réalisée tous les 15 jours sur l’eau du robinet. « On contrôle habituellement à la source et à l’unité de traitement, mais ici, les contrôles sont également réalisés au robinet », indique-t-il. À partir d’octobre, à défaut, des restrictions d’utilisation d’eau seront demandées : il sera demandé de ne pas boire l’eau, mais on peut l’utiliser par exemple pour laver un aliment. « Des décisions ont dû être prises sur des choses incertaines », déclare le préfet. « Il n’y a cependant aucune faute de la part des agriculteurs, ils n’ont fait qu’utiliser un produit autorisé », complète-t-il.