Les tas de lignite (du charbon de qualité inférieure) entreposés sur le site de Recy, dans la Marne, disparaîtront bientôt du paysage. La campagne 2023 de cette usine de déshydratation appartenant à Luzeal s’effectuera uniquement à partir de la chaleur produite par la combustion de biomasse d’une part (des plaquettes forestières), et de déchets ménagers d’autre part. Pour ce faire, elle s’est raccordée au vaste réseau de chaleur que la ville de Châlons-en-Champagne est en train de déployer. Celui-ci récupérera la chaleur fatale (perdue) générée par l’unité de valorisation énergétique de La Veuve en produisant l’électricité issue de l’incinération des déchets ménagers de l’agglomération. En été, cette chaleur sera utilisée par Luzeal ; en hiver, par les bâtiments publics et les logements châlonnais. « Nous en aurons l’usage pendant cinq mois, de mai à septembre, précise le directeur général de Luzeal, Thierry Hamerel. Dix-sept mégawatts seront disponibles pour nous durant cette période, et 2 MW pour l’eau chaude sanitaire de la population ». L’eau arrivera dans un gros tuyau à la température de 95/100°c, ce qui a obligé l’usine à adapter son process et à investir 4 millions d’euros (dont 40 % de subvention de l’Ademe) dans un sécheur basse température. Ce nouveau tambour remplacera la ligne alimentée au lignite, et prendra place à côté de la ligne tournant à la biomasse à une température comprise entre 150°c et 750°c. Cette installation permettra à Luzeal d’atteindre son objectif de 95 % d’énergies renouvelables dans son mix énergétique sur l’ensemble de ses sites. Une politique mise en place dès la création de la coopérative en 2009, et qui lui a déjà permis de diviser par cinq sa consommation d’énergies fossiles.

Un enjeu vital

À l’origine, le mobile de Luzeal était de nature environnementale et sociétale : réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Cela commençait par le préfanage dans les champs pour « profiter du soleil et du vent » et diminuer ainsi le taux d’humidité du produit récolté. L’envolée des cours de l’énergie donne aujourd’hui raison à la coopérative sur le plan économique. Elle va économiser 5 000 t de lignite importé d’Allemagne, soit 11 500 t de CO2. « Le prix du gaz et du charbon était de toute façon devenu incompatible avec notre métier, souligne Thierry Hamerel. C’était donc un enjeu vital de changer de modèle ». Ce faisant, la déshydratation s’inscrit dans un cercle vertueux en utilisant « une énergie locale, renouvelable et non polluante ». Sans compter que l’eau chaude utilisée, une fois prélevées les calories nécessaires au process industriel, retournera à l’incinérateur par un tuyau parallèle. Pour toutes ces raisons, le directeur général de Luzeal se dit « assez fier » du projet mené, qui n’a qu’un seul équivalent en France, en Mayenne.

La déshydration de Recy en chiffres
  • 3 800 ha de luzerne
  • 45 à 50 000 t de luzerne déshydratée
  • 90 % de balles
  • 20 à30 000 t de pulpes de betteraves (sucrerie de Sillery)
  • 300 adhérents
  • 20 salariés + 20 saisonniers
  • 15 M€ de chiffre d’affaires