Manquera-t-on d’ammonitrate au printemps ? On peut le craindre quand on voit les deux producteurs d’engrais en France, Borealis et Yara, stopper une partie de leur production.

« Avec l’envolée du prix du gaz, notre coût de production de l’ammoniac est actuellement de 2 500 $/t, contre 1 300 $/t sur le marché mondial. C’est intenable, a expliqué le président de Yara France, Nicolas Broutin, lors d’une conférence de presse le 20 septembre. Nous avons stoppé la fabrication d’ammoniac à partir de gaz ». Seules les usines situées sur la façade Atlantique, à Ambès (33) et Montoir-de-Bretagne (44) tournent à plein régime grâce à des importations d’ammoniac. Au total, Yara a réduit de 65 % sa production d’engrais en Europe.

L’ammoniac, produit de base pour les engrais azotés, est obtenu en combinant l’azote de l’air et l’hydrogène provenant du gaz naturel. La pénurie de gaz oblige donc les industriels européens à stopper leur production d’engrais azoté.

Alors que les cours du gaz étaient d’environ 15 € le mégawatt-heure (MWh) en 2020, ils sont à 200 € aujourd’hui. « Tout euro de gaz supplémentaire augmente de 5 € le prix de la solution azotée », explique David Deroi, directeur des achats fertilisants chez Seveal. Avec un gaz à 100 € le MWh, la solution azotée ressortait à 700 €/t. À 200 € le MWh, la solution azotée serait à 1 200 €/t. Autant dire qu’il n’y a plus de production de solution azotée à partir du gaz en Europe !

Pour les producteurs d’engrais qui s’approvisionnent en ammoniac, c’est aussi très difficile.

La Russie a également cessé d’exporter de l’ammoniac, dont elle est un des premiers producteurs mondiaux. « La Russie exporte 5 Mt d’ammoniac par an, soit 24 % des exportations mondiales. L’Europe est la principale région importatrice (21 %, soit 4 Mt). Et 41 % de l’ammoniac importé en UE provient de la Russie », explique David Deroi. Aujourd’hui, il faut donc aller chercher cet ammoniac à l’autre bout du monde, essentiellement à Trinidad et Tobago et au Canada.

Pour se passer du gaz naturel, Yara teste en Norvège la technique de l’hydrolyse, qui consiste à récupérer l’hydrogène dans l’eau, plutôt que dans le gaz naturel, pour produire de l’ammoniac. Cette technique demande beaucoup d’énergie électrique et de gros investissements. Mais cela vaut peut-être le coup car, comme le rappelle le président de Yara France : « la moitié de l’humanité est nourrie grâce aux engrais ».