C’était un spectacle désolant. Quand, à la mi-juillet, sur les bords du bassin d’Arcachon, une grande partie de la bande côtière s’est enflammée, on a pu voir des scènes poignantes. Ainsi, un couple de chevreuils errant sur la plage à la recherche d’un peu de fraîcheur.

Les malheureux animaux, écrasés par la chaleur, buvaient de l’eau de mer. Un apaisement qui, très certainement, ne dura pas. Ingérer de l’eau de mer en grande quantité renforce encore la soif et les conséquences sont létales. Mais les animaux ont souvent un sixième sens. La plupart des grands mammifères ont fui l’incendie et l’on a d’ailleurs retrouvé peu de cadavres au milieu des cendres. Ce sont surtout les écureuils, les mulots, les lézards, les hérissons, les insectes, toutes les bestioles qui, en cas d’alerte, se réfugient dans les cavités des arbres, ont été carbonisées.

Pour les chevreuils, un certain nombre de chevrillards sont morts. La femelle s’est enfuie, laissant son ou ses jeunes dans le brasier. C’est ce que m’a confirmé Frédéric Mora, président de l’Association communale de chasse agréée (ACCA) de la Teste-de-Buch. Il a décidé de suspendre cette saison la chasse au chevreuil, pas tellement pour des motifs biologiques, mais pour appliquer le fameux « principe de précaution » et surtout ne pas prêter le flanc aux attaques des écologistes. « L’incendie qui a ravagé 7 000 hectares de forêt n’a pas eu d’impact massif sur les grands mammifères. Mais il fallait marquer le coup et montrer que les chasseurs savent se montrer raisonnables face à un événement qui a traumatisé la région. C’est la raison pour laquelle j’ai décidé de geler la chasse au chevreuil jusqu’en 2023 ». Les 800 chasseurs de l’ACCA ont été invités à aller chasser sur d’autres zones par des chasseurs de Gironde et des Landes « à moindre coût ». La fédération des chasseurs de Gironde a annoncé qu’elle prendrait en charge leurs frais de cotisation.

Ne pas sous-estimer la force de la nature

Cet incendie a-t-il eu des conséquences écologiques dramatiques ? Oui et non. Oui, car une portion de la forêt landaise a été carbonisée. Les pins sont morts et il faut 30 ans pour refaire un arbre. Non, car la superficie du massif des Landes est de 1,3 million d’hectares. En outre, le feu n’a pas que des conséquences négatives. Il ouvre l’espace, crée des clairières et, aux premières pluies, la végétation repousse et à quelle vitesse ! Deux mois après la catastrophe, les graminées atteignent une hauteur de cinquante centimètres, les arbousiers, les ajoncs, les genêts renaissent. Tout le sous-bois reverdit ! Il ne faut pas sous-estimer la force de la nature ! Et compte tenu de la superficie du massif, cet incendie reste marginal. Les commentateurs ont toujours tendance à exagérer. Ils ont fait de ce sinistre une sorte de prophétie de l’Apocalypse. Et, bien évidemment, une conséquence du « réchauffement » mis à toutes les sauces, qu’il vente, neige, pleuve ou pas. Même chose pour la canicule. On a apparemment oublié celle de 2003. Disons-le tout net : ce n’est pas le « feu du siècle » ! Il y a eu, dans le passé, des brasiers beaucoup plus considérables. Ainsi, en 1949, plus de 50 000 hectares de cette même forêt ont brûlé. Cinq fois plus.

Les incendies dans ce massif sont toujours rapides et difficilement contrôlables, pour la bonne raison que les pins contiennent de la résine hautement inflammable.

On a prévu de larges coupe-feux mais si la sécheresse sévit trop longtemps – ce qui était le cas – le feu progresse quand même notamment par la tourbe du sous-sol.

Sanglier : explosion en vue !

Convenablement maîtrisé, le feu peut être un allié. Il fait partie des techniques agricoles ancestrales pour restaurer les pâturages. En Afrique, on pratique la technique dite « du brûlis » c’est-à-dire que l’on incendie pour obtenir la repousse d’une herbe tendre qu’apprécient les troupeaux. Cette technique a longtemps été pratiquée dans le sud de la France et en Corse.

C’est aujourd’hui interdit un peu partout mais, sur l’île de beauté, par exemple, il arrive encore d’assister à des départs de feu qui ne sont pas tous accidentels…

Pour les chasseurs des zones concernées, c’est aujourd’hui un dilemme. Ne pas chasser le chevreuil, très bien, mais ne pas chasser le sanglier serait une très grosse erreur. Or, la zone brûlée est interdite. Pour Frédéric Mora, c’est une catastrophe. « On tue 400 sangliers par an dans notre ACCA et on a déjà du mal à contenir l’espèce. Tous les sangliers vont se réfugier sur la zone et ce sera une explosion ! »

Des comptages réalisés dans les secteurs incendiés ont montré, en effet, que les sangliers étaient revenus et semblaient s’y plaire.

Comme un peu partout en France, la bête noire s’épanouit dans le Sud-Ouest. On la voit sur les golfs, les espaces verts, les ronds-points aux abords des villes et même dans les rues. Interdire la chasse du sanglier sur les zones brûlées est donc une erreur et il faut espérer qu’elle sera corrigée.