Veut-on encore de la betterave dans les assolements ? C’est une question qui se pose chez tous les planteurs, et plus particulièrement chez bon nombre de coopérateurs de Tereos et de Cristal Union, qui renouvellent leurs engagements cette année pour 5 ans.

La perspective de la fin des néonicotinoïdes en 2024 représente un saut dans l’inconnu. Elle fait même un peu peur à ceux qui ont été fortement touchés en 2020. Et certains planteurs font encore des mauvais rendements cette année à cause de la sécheresse.

Heureusement, les prix de la betterave redeviennent attractifs chez Cristal Union et Tereos. Cristal Union a confirmé l’orientation du prix de la betterave à 35 €/t pour cette année et à 40 € pour l’année prochaine. Tereos vient d’annoncer un prix 2022 jamais vu depuis longtemps, à plus de 40 €/t !

Les coopérateurs de Tereos concernés par le renouvellement des engagements sont d’anciens planteurs de Béghin-Say ayant rejoint Tereos en 2002 (les usines de Connantre dans la Marne, de Chevrières dans l’Oise, d’Escaudoeuvres dans le Nord et de Boiry dans le Pas-de-Calais) et ceux d’Artenay dans le Loiret. Ils représentent environ la moitié des surfaces du groupe coopératif.

Pour Cristal Union, il s’agit des anciens planteurs de la société SVI (Vermandoise industries) qui étaient devenus coopérateurs en 2012. Les sucreries concernées sont Fontaine-le-Dun en Seine-Maritime, Pithiviers dans le Loiret et Sainte-Émilie dans la Somme.

Le spectre de la jaunisse

La question du renouvellement se pose différemment selon les sucreries. Au sud de Paris, les pertes dues à la jaunisse sont encore dans toutes les mémoires. Les mêmes planteurs ont subi en 2021 un épisode de gel tardif, qui a nécessité le ressemis de 70 % des surfaces de betteraves. Heureusement, les planteurs touchés par le gel ont bénéficié de semences gratuites de la part de Cristal Union.

À Sainte-Émilie et à Fontaine-le-Dun, la question du renouvellement des engagements semble être un non-sujet. En Seine-Maritime, les planteurs n’ont pas subi de grandes pertes de rendement en 2020. La moyenne des rendements des 5 dernières années est bonne. De plus, les exploitations ne sont pas trop chargées en betteraves.

Pour la zone Tereos, la jaunisse a aussi laissé des traces dans l’Oise. Le contexte pédoclimatique de cette année fait que les rendements sont une nouvelle fois décevants : certains ont des rendements de 50 à 55 t/ha. Mais il faut aussi comparer les betteraves avec d’autres cultures, comme le maïs ou les pommes de terre, dont les rendements n’ont pas été terribles cette année.

Échaudés par la jaunisse, certains planteurs choisissent de diminuer leurs surfaces mais veulent quand même garder un pied dans la betterave. Et puis, avoir 10 % de betteraves dans l’assolement apporte un point d’écorégime dans le cadre de la nouvelle PAC.

Certains coopérateurs auraient souhaité pouvoir s’engager sur une période plus courte ; par exemple 2 ou 3 ans. L’argument étant le manque de perspectives face aux incertitudes économiques. Selon eux, un peu plus de souplesse pourrait motiver certains planteurs à semer en 2023. Mais, pour les responsables des coopératives, une industrie lourde comme le sucre a besoin d’une visibilité pour investir.

Les variétés tolérantes arrivent

S’il fallait encore convaincre les planteurs, on peut mettre avant les atouts agronomiques de la betterave et son intérêt économique dans les assolements.

Tout d’abord, on peut espérer des résultats concrets issus du Plan national de recherche et d’innovation (PNRI), notamment sur l’apport des variétés tolérantes qui, par le passé, a toujours permis d’augmenter la productivité et de faire face aux nouveaux bioagresseurs (voir page 22).

Ensuite, la betterave est une culture de rupture d’assolement, alors que la production durable va reposer sur un assolement plus long. À l’heure de la flambée des prix des engrais, il faut rappeler que la betterave consomme moins d’azote qu’une céréale d’hiver. « C’est une culture relativement économe en engrais, pointe Bruno Labilloy, directeur agricole de Cristal Union. Le sucre est un hydrate de carbone pur, les minéraux mobilisés par la plante sont donc recyclés : les écumes (riches en calcium et en phosphore) et les vinasses (potasse) sont deux produits agréés en agriculture biologique ».

Enfin, face au réchauffement climatique, la betterave a des atouts car elle pousse toute l’année. D’ailleurs l’Institut international de recherches betteravières (IIRB) a montré que deux tiers de l’accroissement de la productivité sont imputables à l’évolution climatique.

Il y aura donc un cap agronomique à passer en 2024 et 2025, avant que les variétés tolérantes à la jaunisse arrivent sur le marché. Mais le maintien de la betterave, aujourd’hui, assurera la diversité des futurs assolements, qui est un point clé pour la productivité.

« La betterave a toute sa place dans l’assolement »

Olivier Duguet, président du Conseil de section de Pithiviers (groupe Cristal Union)

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Malgré une sécheresse historique, l’irrigation a préservé le potentiel de rendement dans la zone de Pithiviers. Notre usine devrait avoir le meilleur résultat du groupe Cristal Union avec un rendement moyen de 13,5 t/ha de sucre.

La betterave est un élément important de la diversification de nos assolements. Elle consomme peu d’azote et apporte aussi des coproduits intéressants, comme les écumes et la pulpe.

Cristal Union tiendra ses engagements : un prix de 35 €/t cette année et nous sommes déjà dans la perspective de 2023, avec un objectif de rémunération de la betterave à 40 €/t. Cristal Union est en capacité d’améliorer la rémunération des betteraves. Ne sortons pas la betterave de nos assolements.

Tereos va payer les betteraves 2022 plus de 40 €/t

Plus de 40 €/t pour les betteraves de la campagne 2022-2023 ! Avec ce chiffre, Tereos envoie indéniablement un message fort à ses coopérateurs, qui sont actuellement en pleine réflexion sur la place stratégique de la betterave dans leurs exploitations.

Le groupe coopératif a annoncé le 18 octobre une « forte augmentation du prix de la betterave », à hauteur de 40,04 €/t à 16° sur 100 % des betteraves livrées en 2022. Un premier acompte de 20,02 €/t sera versé le 30 novembre prochain. Il sera complété au 31 mars 2023 par un second acompte qui intégrera les primes et les indemnités de campagne, ce qui fera un total de 41,85 €/t à 16°. Il s’agit donc d’une augmentation d’un peu plus de 10 €/t, comparée à la rémunération globale moyenne touchée par un coopérateur Tereos pour les betteraves 2021-2002, qui a été de 29,90 €/t à 16° (prime d’engagement et toutes les indemnités de campagne). « Ce prix est la traduction concrète de l’embellie des marchés du sucre, de l’éthanol et des pulpes. Il constitue un très bon signal pour les adhérents de cette coopérative », a déclaré la CGB dans un communiqué daté du 19 octobre. Le syndicat des planteurs invite l’ensemble des autres groupes sucriers présents en France à revaloriser les prix d’achat des betteraves 2022.