On commence à entrevoir ce que pourraient être les différentes stratégies pour lutter contre la jaunisse, quand les NNI ne seront plus disponibles en 2024.

Depuis deux ans, plusieurs leviers visant à limiter les populations de pucerons sont testés dans les Fermes pilotes d’expérimentation (FEP): plantes compagnes, bandes fleuries, graminées inoculées par des champignons endophytes, variétés partiellement tolérantes, lâchers d’auxiliaires et produits de biocontrôle notamment.

Par ailleurs, les 22 projets du PNRI (Plan national de recherche et d’innovation) font actuellement l’objet d’une revue des résultats. Les techniques les plus prometteuses permettront de concevoir de nouveaux systèmes de cultures permettant de prévenir la jaunisse de la betterave dès 2024.

Combiner les solutions

Christian Huyghe tient d’abord à préciser que la plupart des résultats montrent des efficacités partielles. « Il n’y aura pas de solution miracle. Si on fait un peu de fiction sur ce qui sera possible en 2024, il faudra utiliser des combinaisons de solutions et proposer différents assemblages – des packages – aux agriculteurs ».

Ces assemblages n’auront pas tous les mêmes objectifs, et leur mobilisation pourra dépendre des régions et de la pression attendue de pucerons et de virus.

Certains assemblages chercheront à réduire l’occurrence des pucerons. Ce type de package pourrait combiner l’utilisation de variétés tolérantes, des plantes compagnes, des kairomones (substance chimique répulsive) et des traitements de Teppeki. « Ce type d’assemblage permettrait d’éliminer significativement les pucerons », explique Christian Huyghe.

Un autre assemblage pourrait maximiser la régulation des pucerons en utilisant des phéromones attirant des auxiliaires comme les coccinelles, dont les larves mangent les pucerons. Mais pour que cela soit efficace, il faut bien les positionner ; on a impérativement besoin de modèles de prédiction précis pour assurer leur bon positionnement, et avoir une formulation utilisable. « Une solution élégante mais pas facile à mettre en œuvre », selon le directeur de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

On peut imaginer un troisième package axé sur la prophylaxie. Il s’agit d’éviter la présence de résidus de betteraves porteurs de virus, en nettoyant tous les cordons de terre des silos, en contrôlant les repousses dans les céréales et, peut-être, en réduisant la source des pucerons verts présents dans les colzas.

Quel que soit le package utilisé, « la variété tolérante deviendra l’élément de base de la lutte contre la jaunisse, complété par des plantes compagnes qui, de mon point de vue, donnent de résultats encourageants », pronostique Christian Huyghe.

Le biocontrôle peu efficace

La règle du PNRI voulait qu’on explore tous les possibles. Mais, en conséquence, certaines des pistes étudiées ne donnent pas de résultats facilement mobilisables.

« Le criblage de différents produits de biocontrôle montre que cette famille de biocides n’est pas aussi efficace que le Teppeki et le Movento », pointe le directeur de l’Inrae.

Les bandes fleuries et les bandes enherbées sont très complexes à mettre en œuvre, même si leur effet positif sur la biodiversité est clairement documenté. « On sait que cela joue sur la régulation, mais les auxiliaires arrivent toujours trop tard. C’est pour cela que l’on veut utiliser des phéromones d’alarme pour « faire croire » aux auxiliaires qu’il y a à manger au milieu de la parcelle, car si on attend la régulation naturelle, il y a toujours 6 semaines de décalage ».

L’utilisation de plantes qui contiennent des endophytes (des micro-organismes qui vivent à l’intérieur d’une plante) et qui génèrent la production d’un insecticide soluble (la loline) s’avère aussi compliquée à mettre en œuvre. La seule espèce qui en contient aujourd’hui – la fétuque – s’installe difficilement à l’automne.

D’autres solutions se sont révélées décevantes, comme les apports de larves de chrysopes ; « cela ne fonctionne pas bien et coûte trop cher. Quand la ressource alimentaire est insuffisante, les larves se mangent entre elles ou quittent la parcelle et n’arrivent pas à réguler la population de pucerons », constate Christian Huyghe.

Charge mentale

Toutes ces solutions devront obligatoirement être articulées. « Les agriculteurs auront davantage de travail et surtout la charge mentale (incertitude) sera plus lourde », constate Christian Huyghe. Le développement d’une assurance jaunisse, travaillée dans un des projets du PNRI porté par l’Association de recherche technique betteravière (ARTB), jouera un rôle important pour accompagner les agriculteurs et diminuer le risque.

« La question de l’accompagnement sera centrale. C’est un défi pour les services agronomiques des sucreries et l’ITB », insiste le directeur de l’Inrae.

Le PNRI, dans son agenda actuel, s’arrêtera en 2024. Il faudra ensuite enclencher d’autres plans pour poursuivre les projets ; par exemple, suivre le déploiement des premières variétés résistantes, tester de nouvelles espèces de plantes compagnes, bénéficier des travaux sur les kairomones et les phéromones, améliorer la prédiction de l’arrivée des pucerons ou mesurer les effets du paysage. Il reste encore du travail pour les années à venir !

Les plus et les moins

Ce qui fonctionne

  • Variétés tolérantes
  • Plantes compagnes
  • Phéromones
  • Contrôle des résidus
  • Teppeki et Movento

Ce qui fonctionne moins bien

  • Produits de biocontrôle
  • Bandes fleuries et enherbées
  • Endophytes
  • Larves de chrysopes